Editorial de Joel Glusman, Président de TLF Overseas
TLF est la fédération des transitaires et commissionnaire de transport, ce sont eux qui sont en 1ère ligne dans cette crise du transport maritime. Son Président Joel Glusman, également Président de Crystal Group analyse la situation et propose des solutions.
« Selon notre dernière enquête TLF, 98% de nos entreprises adhérentes rencontrent régulièrement des problèmes de réservation avec les compagnies maritimes en raison d’un manque d’espace à bord sur les navires.
Alors que la quasi-totalité de la flotte de porte-conteneurs est en service, comment expliquer ce phénomène ? Tout d’abord une demande des clients depuis deux années supérieures à l’offre transport des armateurs (écart de 15% en 2021 selon MSI). Inadéquation qui a entraîné attrition de capacités, manque d’espace à bord, pénurie d’équipements, retards importants de navires, suppression d’escales, congestions portuaires, et in fine perturbations pour l’ensemble de la chaîne logistique, au détriment en particulier des commissionnaires de transport et de leurs clients importateurs, exportateurs.
Par ailleurs, on observe une réduction de la part des volumes dédiés aux commissionnaires de transport dans l’offre globale proposée par les compagnies maritimes. Certaines compagnies contractant en direct avec les chargeurs, le phénomène n’est pas nouveau mais s’est considérablement amplifié.
Améliorer la qualité de service : une priorité absolue
Les retards navires, les blank sailings et omissions d’escales désorganisent les plans de transport et ont de réelles conséquences sur les équipes opérationnelles de nos entreprises. L’ensemble de la chaîne logistique maritime doit travailler ensemble pour améliorer la qualité de traitement des marchandises conteneurisées.
C’est en ce sens que TLF Overseas et AMCF ont récemment publié un Guide des Bonnes Pratiques Maritimes, qui se traduit par des engagements respectifs de la part des commissionnaires de transport et des compagnies maritimes.
Le durcissement des relations commerciales avec les compagnies maritimes
Actuellement 80% des capacités maritimes sont détenues par trois alliances : 2M, The Alliance et Ocean Alliance. Cela offre aux compagnies maritimes un pouvoir de négociation bien supérieur aux commissionnaires de transport ou aux chargeurs, qui voient par ailleurs leurs choix réduits. Les clients importateurs-exportateurs étant dans l’impossibilité de se tourner vers une véritable alternative, ce pouvoir de marché peut en partie expliquer l’augmentation des prix, la multiplication des surcharges et la qualité de service dégradée.
Depuis le 1er Novembre 2021, Maersk et sa filiale Hamburg-Süd refusent l’accès aux contrats NAQ (Named Account Quaterly) pour les commissionnaires de transport. Ces derniers ont désormais accès au seul outil digital de booking Maersk Spot, bien plus coûteux et aux capacités réduites.
Les compagnies maritimes imposent progressivement le carrier haulage c’est-à-dire le post-acheminement des marchandises par la compagnie maritime. On observe notamment la mise en œuvre de surcharges tarifaires liées au Merchant Haulage, la fermeture des dépôts de restitution des conteneurs vides et une moindre souplesse quant à la facturation des frais de détention et de surestaries en cas de Merchant Haulage.
Initiatives de régulation à l’échelle mondiale
Déjà au cours de l’été 2021 la présidence américaine a donné instruction à la Federal Maritime Commission d’auditer les pratiques de 9 compagnies maritimes desservant le marché US. L’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et le Canada ont suivi en publiant une déclaration commune pour « mettre en garde les entreprises » contre tout soupçon de comportement anticoncurrentiel.
La Commission Européenne, quant à elle, n’a pour l’instant pas prévu d’agir sur le sujet, malgré les alertes de la fédération européenne des commissionnaires de transport.
Agir face à la concurrence déloyale
TLF Overseas plaide pour la mise en place d’une autorité de régulation du transport maritime à l’échelle européenne. Cet organisme pourrait notamment surveiller les pratiques injustes et déraisonnables concernant les frais de détention et de surestaries et les différences opérées entre carrier/ merchant haulage.
L’autorité de régulation pourrait également se prononcer sur les pratiques discriminatoires, telle que la favorisation d’une clientèle par rapport à une autre en termes de prix et de capacité. Enfin, il s’agirait de surveiller la qualité de service du transport maritime, à savoir les retards navires, les suppressions d’escales, ou encore la qualité de l’information à disposition de la clientèle.
Joël GLUSMAN, Président de TLF OVERSEAS
Président-Fondateur de Crystal Group