La France a pour objectif la neutralité carbone à l’horizon 2050. L’électrification des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers est la principale voie envisagée de décarbonation et elle est largement engagée depuis 2020. Pour les poids lourds, le règlement européen 2019/1242 impose même aux constructeurs de camions une réduction des émissions de CO2 des poids lourds neufs vendus en 2030 de 30 % par rapport à 2020 sous peine de pénalités substantielles. Pour le secteur du transport les principales solutions envisageables de décarbonation sont le biogaz, le biodiesel, l’électrique à batterie, l’électrique à batterie et réservoir d’hydrogène ou bien l’électrique à batterie et alimentation en roulant (autoroute électrique ou Electric Road System, ERS)
Trois technologies d’ERS (déjà testées en Allemagne et en Suède) existent : par caténaires (comme pour les trains) par conduction par rail, ou par induction intégrée dans la chaussée.
La recharge par induction permet de recharger la voiture ou le camion sans avoir à le brancher, comme c’est déjà le cas avec les téléphones portables. Ce système nécessite l’implantation de bobines magnétiques sous le bitume afin de recharger les batteries. Une seconde méthode consiste à installer un rail au ras de la route pour permettre aux véhicules équipés de se raccorder directement au sol.
Il y a tout juste deux ans l’ensemble de l’écosystème (transporteurs, constructeurs, gestionnaires routiers, énergéticiens, fabricants de solutions…) a exploré le potentiel de l’ERS et rendu ses conclusions au ministre des Transports. Aujourd’hui plusieurs expériences sont en passe être menées.
La première est développée à Rouen (Seine-Maritime) par un consortium piloté par Vinci Autoroutes, en collaboration avec l’université Gustave-Eiffel, ainsi que le groupe Hutchinson, spécialisé dans l’industrie automobile et aérospatiale. Elle bénéficiera d’un financement de l’État dans le cadre du plan France 2030 et son budget total est estimé à 26 millions d’euros, étalés sur trois ans. « Ce projet, le premier au monde de ce genre sur autoroute, a pour objectif de permettre aux poids lourds électriques, ainsi qu’à d’autres types de véhicules électriques (autocars, véhicules utilitaires, voitures particulières…), d’expérimenter en roulant la recharge dynamique par induction ou par rail au sol, sur une autoroute ouverte à la circulation », résume Vinci. Après des premiers tests sur circuit, puis sur l’A10, Vinci prévoit de pouvoir « déployer l’ERS sur l’ensemble des principaux axes routiers français ».
Parallèlement, porté par Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc (ATMB), en partenariat avec l’Université Gustave Eiffel, Alstom, Pronergy et Greenmot, le projet « eRoadMontBlanc » vise à expérimenter sur quatre ans une solution de route électrique par rail conductif au sol en Vallée de Chamonix-Mont Blanc. Cet ambitieux projet de plus de 20 millions d’euros vise à démontrer les capacités de cette technologie en vue de faire émerger un système de route électrique pour décarboner la mobilité routière longue distance en France, voire en Europe, à l’horizon 2030. Il se décompose en deux phases : une expérimentation sur piste dans l’Ain en 2024, sur la plateforme TRANSPOLIS, puis un test grandeur nature sur 1 kilomètre de la Route Blanche (RN205) en Haute-Savoie en 2025. Financé lui aussi par l’Etat dans le cadre de France 2030 et par l’Union européenne, le projet repose sur le système APS (Alimentation Par le Sol). Ce système a été développé par Alstom pour le tramway et sera adapté à la route. Il utilise une piste d’alimentation électrique insérée dans la chaussée et affleurant au niveau du sol. La captation du courant se fait ensuite sous le véhicule par un bras articulé équipé de patins frotteurs, qui se posent sur les segments conducteurs, comme sur les mini circuits de notre enfance. « Pour éliminer tout risque d’électrocution de piétons, l’alimentation électrique ne serait activée que pour des vitesses au-delà de 50 ou 60 km/h » précise le consortium.
L’intérêt écologique de ces expérimentations repose sur plusieurs leviers. Ces « routes électriques » permettraient de réduire de 62 à 71% l’autonomie nécessaire pour un usage normal des voitures et donc la taille de leurs batteries, selon une étude de l’université de Göteborg (Suède). L’ERS permet aussi de mieux dimensionner le nombre et la taille des batteries embarquées dans les véhicules et ainsi de réduire les impacts des extractions de ressources métalliques. Elle permet également d’éviter le phénomène des pics de charge durant les temps de recharge, qui s’opèrent en général sur des durées courtes et sur des temps de pause communs des chauffeurs. Enfin, intérêt du point de vue des usagers qui peuvent poursuivent leur route sans contrainte puisque les véhicules sont exonérés de l’arrêt obligatoire pour recharger aux bornes électriques.
Avant son déploiement sur les réseaux autoroutiers, une décision politique à l’échelle européenne s’imposera afin de normaliser et d’harmoniser les procédés entre chaque pays.