Au moment où les troupes russes entraient en Ukraine, le général Mohamed Hamdane Daglo, qui avait évoqué « le droit » de la Russie à « défendre son peuple », se rendait à Moscou afin d’« intensifier la coopération entre les deux pays dans les domaines politique, diplomatique et économique ». Accompagné pour l’occasion par les ministres de l’économie et des finances, de l’énergie, du pétrole et des mines, le numéro deux de la junte au pouvoir au Soudan est allé chercher des soutiens capables de l’aider face à l’inflation galopante, à l’effondrement des exportations, et à la situation économique catastrophique que connait actuellement son pays.
A son retour à Khartoum le général a, certes, souligné l’intérêt des investisseurs russes pour le Soudan, mais sans annoncer la signature du moindre accord. Sa visite ne semble pas avoir été si fructueuse et, pire, l’offensive russe en Ukraine risque de compliquer une équation économique déjà très difficile dans son pays ou tous les voyants sont au rouge.
La crise dure depuis des années, mais elle s’est aggravée brusquement avec le putsch du 25 octobre 2021. Près de cinq mois après ce coup d’Etat mené par le général Abdel Fattah al-Bourhane, la junte est isolée et l’économie nage en plein marasme.
Politiquement, le pays vient de connaitre deux mouvements populaires ( la « Marche des millions » et « Break the Chains » qui ont vu des milliers de personnes descendre dans la rue). The Economist rappelle que la hausse des prix des denrées alimentaires à la fin des années 2000 avait été l’un des moteurs des “printemps arabes”, mais aussi des manifestations massives au Soudan en 2019. Economiquement le robinet des aides internationales s’est tari du jour au lendemain suite au coup d’état. Les Etats-Unis et la Banque mondiale ont ainsi respectivement gelé 700 millions et 2 milliards de dollars d’aides financières promises au gouvernement de transition dissous par les militaires. En pleine guerre Russie/Ukraine le Soudan, dont près de 50 % du blé qu’il consomme provient des importations russes, a des raisons de s’inquiéter, vu sa dépendance aux importations de céréales. À court terme, les habitants devraient probablement se rendre compte des conséquences de cette situation à travers la flambée des prix (Les boulangeries s’attendent à augmenter le prix du pain, d’ici à quelques jours, de 35 à 50 livres soudanaises (de 0,07 à 0,10 euro)), plutôt qu’une pénurie réelle des produits de première nécessité.
La déliquescence de l’économie soudanaise semblait pourtant très légèrement se stabiliser avec un ralentissement de l’inflation annuelle à 259,79% en janvier, contre 318,21% en décembre 2021. Dans le budget 2022, le gouvernement soudanais visait même un taux d’inflation de 95% « seulement ». Le conflit en Ukraine devrait compliquer la donne et, comme un malheur ne vient jamais seul, ce conflit intervient à un moment où la sécheresse en Amérique du Sud et la demande croissante de céréales et d’oléagineux en Inde et en Chine exercent une pression supplémentaire sur les prix.