Connu sous le nom de RIGI (Régimen de Incentivo para Grandes Inversiones), ce plan est de nature à changer le climat des investissements dans la nation sud-américaine engagée dans un mouvement accéléré de libéralisation depuis l’entrée en fonction de Javier Milei le 10 décembre 2023.
Selon une note détaillée du fiscaliste Guillermo O. Teijeiro du cabinet d’avocats argentin Bomchil, ce projet se distingue des plans habituels d’incitations fiscales du pays qui, traditionnellement, ciblaient les investissements de petite taille et les PME.
Le RIGI cherche à promouvoir d’importants investissements nationaux et étrangers à long terme dans de nombreux secteurs : exploitations forestières, industries, infrastructures, mines, énergie, technologies de l’information, tourisme, pétrole et gaz ou encore sidérurgie.
L’objectif général est de créer « des conditions de prévisibilité, de stabilité et de sécurité juridique pour les investisseurs en garantissant le respect de l’État de droit » grâce à une protection spéciale en cas de non-respect de leur engagement de la part de l’administration et de l’État, selon KPMG Argentina.
Pour les investisseurs, l’accès au régime se fera via une unique demande d’inscription dite VPU (vehículos de proyecto único). Les investissements, pour être éligibles, devront dépasser 200 millions de dollars, sans dépasser toutefois un plafond de 900 millions de dollars. De plus, au moins 40 % des dépenses devront avoir été engagées avant la fin de la deuxième année de lancement. Du côté des encouragements financiers, différents leviers pourront être actionnés en matière d’impôts, de TVA, de droits de douane ou d’accès aux devises. Le projet prévoit un taux unique de 25 % d’impôt sur les sociétés. Le taux de prélèvement à la source sur les dividendes distribués sera sous certaines conditions de 3,5 % (contre 7 % selon le droit commun). Un mécanisme comptable d’amortissement accéléré sur deux ans pourra également être actionné, de même qu’un système assez souple d’imputation des pertes éventuelles sur les exercices fiscaux.
Des avantages supplémentaires sont consentis pour les activités ayant pour effet de relancer les « exportations stratégiques à long terme », dont un taux zéro de prélèvement à la source sur les dividendes. Ces projets visant l’export bénéficieront, par ailleurs, de diverses dispositions facilitant l’accès aux devises internationales, dont l’octroi est fortement régulé dans le pays pour soutenir le peso argentin. De plus, dans ce cadre, les entreprises « VPU » ne paieront pas de droits de douane sur les importations et les taxes à l’exportation (souvent importantes dans ce pays) seront supprimées trois ans après la date d’adhésion au RIGI. L’imposition des restrictions à l’importation et à l’exportation de produits ou équipements, y compris par des quotas obligatoires sur le marché argentin, est interdite.
Le sésame du VPU pourra être attribué à des entreprises existantes, quel que soit leur statut : société anonyme, société à responsabilité limitée, succursales de sociétés étrangères ou encore joint-venture, à condition toutefois de créer une structure ad-hoc de type SPV (special purpose vehicle) pour héberger le projet éligible.
Concernant les éventuels contentieux fiscaux ou administratifs, tout litige relatif au RIGI pourra être soumis, selon le choix de l’entreprise, à la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, aux règlements d’arbitrage de la Chambre de Commerce internationale ou à ceux du CIRDI. Le texte prévoit, en outre, que les incitations fiscales et douanières et le régime spécial de réglementation des changes ne pourront être modifiés par une législation plus lourde pendant les 30 ans à venir !
Tout ceci, espère le camp présidentiel, doit relancer durablement les investissements dans un pays qui connaît depuis des décennies de graves difficultés macroéconomiques et qui, plus conjoncturellement, est entré en récession l’an dernier (PIB en baisse de 1,6%). En raison, notamment, des coupes budgétaires destinées à redresser les comptes publics, l’Argentine devrait voir son économie chuter de 3,5 % en 2024, selon une étude publiée leil y a quelques jours par le FMI qui a dégradé sa prévision précédente, datant de janvier, de 0,7 point. Les experts de l’institution de Washington maintiennent, toutefois, leur projection antérieure concernant 2025. La croissance argentine devrait fortement rebondir à +5 % l’an prochain dans un contexte d’amélioration des comptes extérieurs et de reflux de l’inflation. Sous l’effet des mesures choc du président Milei, l’indice des prix à la consommation s’est inscrit à 4,2% seulement au mois de mai (276,4 % en rythme annuel), son plus bas niveau depuis 29 mois. Le FMI estime que la hausse des prix à la consommation devrait être contenue autour de 45% sur l’ensemble de l’année 2025, puis chuter à 25% ensuite. Un autre facteur encourageant pour les investisseurs.