Gabriel Attal a défendu l’accord du CETA ( Comprehensive Economic and Trade Agreement) il y a quelques jours à l’occasion de son déplacement au Canada. « C’est un accord gagnant-gagnant entre la France et le Canada, et entre l’Europe et le Canada. Depuis qu’il est en vigueur, les échanges entre nos deux pays ont progressé de façon équilibrée de plus d’un tiers.», a affirmé le Premier ministre français aux côtés de son homologue Justin Trudeau.
Premier paradoxe, le CETA est un accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, qui a pour objectif de faire chuter les droits de douane de 98%, et qui est en vigueur depuis 2017… alors que seulement 17 pays européens l’ont adopté sur les 27. Il s’agit en fait d’un accord dit « mixte » qui mêle des domaines relevant à la fois des compétences européennes (applicables dès signature) et nationales (nécessitant la validation de chaque État ou région). Actuellement, seule la partie commerciale du CETA (droits de douane, vente de biens et services, etc.), relevant des compétences exclusives de l’UE et représentant 90 % du traité est appliquée. L’autre partie dépend de chaque État et doit être ratifié par les différents parlements nationaux, dont la France, et il suffirait d’un rejet par un Parlement national pour menacer son application provisoire. Chypre par exemple a déjà voté contre le traité en 2020 mais le gouvernement chypriote ne l’ayant pas notifié officiellement aux institutions européennes, l’accord reste en vigueur.
Jugé par ses opposants à la fois peu utile pour l’économie et nocif pour l’environnement, le CETA suscite de nombreuses oppositions en Europe depuis plus de dix ans. Dix pays hésitent encore à approuver ce traité dont la France, la Belgique, la Bulgarie, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, Chypre, la Pologne, l’Italie et la Slovénie.
Second paradoxe, en France, le Sénat a envoyé un signal extrêmement négatif peu de temps avant cette visite ministérielle au Canada en se prononçant, sur fond de crise agricole, contre le CETA. Les sénateurs français ont estimé que la politique de libéralisation des échanges, sans considération pour leur impact écologique, favorisait par exemple les exportations européennes de pesticides interdits dans l’UE et les importations de produits agricoles canadiens traités avec ces mêmes pesticides. Les sénateurs ont également estimé que les échanges qui ont connu les plus fortes progressions concernaient des secteurs polluants. Cependant les chiffres sur les volumes d’échange semblent plutôt donner raison au premier Ministre. L’accord en place s’est en effet traduit par une hausse des exportations françaises, en particulier pour les secteurs qui ont connu les baisses de droits de douane les plus significatives comme les cosmétiques mais aussi les exportations de vin français au Canada (+24% ), de fromage (+ 60%) ou du secteur textile et chaussures (+ 142%) . Il serait aussi bénéfique pour certaines filières agricoles et pour l’agroalimentaire alors que le Canada a, lui, surtout exporté vers l’Europe du pétrole ou des minerais, nécessaires à la fabrication de batteries électriques. Le gouvernement, qui voudrait éviter de mettre en péril sa ratification, refuse de transmettre le texte du Sénat à l’Assemblée nationale avant les élections européennes du 9 juin prochain. A suivre…