La Banque mondiale vient de livrer son verdict sur les besoins d’investissements de la Chine pour parvenir au « net zéro » en matière d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2060.
Intitulé «
Country Climate and Development Report » » le document, publié le 12 octobre dernier par la Banque mondiale, trace la route de la deuxième économie du monde d’ici à 2060, à savoir l’horizon fixé par les autorités de Pékin pour atteindre la neutralité carbone.
La marche est particulièrement haute, car aujourd’hui le pays pèse environ 33% de toutes les émissions mondiales de gaz à effet de serre, dont 27% pour le seul CO2, en raison notamment de la prédominance du charbon dans son mix énergétique. Son intensité carbone, quant à elle, se situe à 0,49 kg de CO2 par dollar de PIB (en parité de pouvoir d’achat), deux fois le niveau des Etats-Unis (0,23 kg) et plus de cinq fois celui de la France (0,09 kg)
De ce fait, les investissements à réaliser, selon la Banque mondiale, se situent entre 14 000 et 17 000 milliards de dollars d’ici à 2060, pour l’essentiel dans le secteur de l’énergie et des transports.
A titre d’indication, la fourchette haute de ces investissements représente environ l’équivalent d’une année pleine du PIB actuel du géant asiatique. « Au vu de cette taille immense, les investissements publics ne seront pas suffisants, estime Ruth Horowitz, vice-présidente pour l’Asie de la SFI (filiale de la Banque Mondiale vouée au secteur privé), de ce fait la Chine doit conduire des réformes politiques et législatives pour soutenir le secteur privé et pleinement bénéficier de son potentiel d’investissement et d’innovation ».
Le rapport décline les différents sujets à embrasser par l’ex-Empire du milieu pour mener sa transformation. En matière de production d’électricité, il recommande d’accélérer le déploiement des sources renouvelables pour arriver, au point d’étape de 2030, à 1700 GW installés contre 1200 GW, selon le plan actuel des autorités, et de développer également le stockage d’énergie pour le porter à une capacité de 200 GW en 2030.
Il s’agit aussi d’accroître fortement l’électrification des véhicules (2,5% de véhicules électriques sur le parc total en 2021) et le réseau des bornes de recharges.
Le rapport pointe aussi la nécessité d’une « transition juste » pour les régions et les catégories de population les plus affectées par l’abandon des énergies fossiles, ceci via la formation notamment.
Figure également au menu, le renforcement nécessaire des réglementations sur la construction ou la réforme de subventions à l’utilisation d’énergie carbonées dans l’agriculture.
Au plan des politiques économiques, la Banque mondiale plaide dans son rapport pour le développement d’un marché des compensations carbone et d’un autre sur l’assurance des risques liés au climat. Elle suggère aussi la généralisation du marché des émissions et la fixation de quotas dans certains domaines à forte intensité énergétique (ciment, acier, etc…). Pour rappel, un marché des droits d’émission de CO2 a été lancé en Chine en janvier 2021 pour certains secteurs de la production d’énergie.
La Banque mondiale recommande pour les grandes entreprises publiques, qui jouent encore un rôle clé dans l’économie, l’instauration de comptabilité carbone et d’objectifs chiffrés de réduction de leurs émissions.
Plus largement, il s’agit d’émettre en place un système harmonisé et obligatoire de compatibilité carbone pour l’ensemble des entreprises, y compris celui dans le secteur de la finance.
Faute de mettre en œuvre l’ensemble de ces outils, la Chine pourrait connaître des pertes de PIB de l’ordre de 0,5% à 2,3% dès 2030, estime l’institution de Washington.
Pour rappel, la question du changement climatique a été peu présente lors du 20è congrès du Parti communiste chinois qui vient de s’achever le 22 octobre dernier et a acté le troisième mandat de cinq ans du président Xi Jinping. Celui-ci, dans une de ses adresses, a simplement indiqué que la Chine « participera activement à la gouvernance mondiale sur le changement climatique » et tiendrait ses engagements de réduction de carbone tout en promettant de « renforcer l’usage propre et efficient du charbon ».