Au cours de la dernière décennie, l’industrie de l’engrais a connu plusieurs évolutions dans le monde. L’utilisation d’engrais a été un pilier essentiel pour augmenter la productivité agricole et répondre aux besoins croissants de la population mondiale. Ces substances, riches en nutriments essentiels pour les plantes, ont permis de maximiser les rendements des cultures et ont joué un rôle crucial dans le développement de l’agriculture moderne. Cependant, alors que l’industrie des engrais a connu une croissance exponentielle, elle a également engendré des défis majeurs pour l’environnement et la sécurité alimentaire.
Selon les chiffres de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les pays les plus performants dans la production d’engrais sont dans l’ordre la Chine, les États-Unis, l’Inde et le Brésil. Ces pays sont pourvus de vastes ressources naturelles nécessaires à la production. L’industrie de l’engrais est en pleine expansion à l’échelle mondiale, mais c’est en Afrique, plus précisément en Égypte et au Nigeria et en Algérie, que l’industrie a connu une croissance remarquable ces dernières années.
Cependant, la forte croissance de cette industrie n’est pas sans problèmes. L’utilisation excessive et inappropriée d’engrais chimiques peut entraîner la dégradation des sols, la perte de biodiversité et la contamination de l’eau, créant ainsi des défis pour la durabilité environnementale. De plus, les prix volatils des matières premières, les défis logistiques et les tensions géopolitiques tels que la guerre en Ukraine ont également un impact sur la stabilité de l’approvisionnement en engrais. En septembre 2022, 70% de la production européenne était à l’arrêt suite à l’augmentation des matières premières. La guerre a aussi perturbé les exportations d’engrais russes vers l’Union européenne, mettant en évidence la dépendance de l’Europe envers ce pays dans ce domaine. L’Europe fabrique en effet une partie de ses engrais, mais cette production est loin d’être suffisante pour répondre à ses besoins. Au déclenchement du conflit en Ukraine, la Russie vendait à la communauté une bonne partie des engrais azotés utilisés dans ses champs, mais aussi des volumes conséquents d’ammoniac, ingrédient de base de ces mêmes engrais. Aujourd’hui l’Europe doit se tourner vers l’Algérie, l’Égypte ou le Qatar.
La France joue un rôle crucial en tant que grande nation agricole au sein de l’Union européenne. L’hexagone dépend largement des engrais pour maintenir sa production céréalière, en particulier celle de blé. À l’approche de la saison d’achat des engrais pour la prochaine récolte, la France est confrontée à un ensemble de défis. Les tensions géopolitiques et les fluctuations des marchés mondiaux ont un impact direct sur les coûts des engrais importés, ce qui peut entraîner des défis financiers. Avec la flambée des prix, certains de nos agriculteurs ont planté davantage de cultures moins gourmandes en engrais, comme le colza ou le tournesol, beaucoup ont aussi préféré réduire les quantités d’engrais dans leurs champs.
Outre les enjeux géopolitiques et économiques, l’industrie des engrais doit également relever des défis environnementaux. La production d’engrais est énergivore et repose souvent sur l’utilisation de combustibles fossiles, principalement charbon et gaz naturel. Cela entraîne des émissions de gaz à effet de serre et contribue au changement climatique. Les normes et les préoccupations liées à la pollution ont conduit à des sanctions contre les entreprises du secteur, tel que le cas de « Yara » en France. Les émissions excessives de poussières ainsi que de composés azotés et phosphorés se dégageant de son usine devenaient trop nuisibles pour la santé des employés et des habitants aux alentours. Le fabricant d’engrais norvégiens accusé de ne pas mettre en conformité ses installations a été conduit à payer en juin dernier une pénalité exceptionnelle de 519 000 euros. Une amende record pour le champion mondial des engrais azotés qui avait tout de même bouclé une année 2022 en fanfare, ayant nettement amélioré ses marges et bénéfices malgré des perturbations qui ont conduit à une diminution globale de sa production de plus de 11%.
Face à ces défis, les fabricants européens explorent des alternatives pour réduire leur dépendance vis-à-vis des ressources importées, en particulier du gaz naturel russe. Les innovations telles que la production d’azote à partir de l’hydrolyse de l’eau offrent des perspectives durables, bien que des défis techniques et économiques subsistent (cela requiert beaucoup d’électricité, autre problématique européenne actuelle).
L’industrie des engrais traverse une période de transformation profonde, influencée par des facteurs géopolitiques, économiques et environnementaux. Les prix et les demandes d’engrais ont connu des fluctuations importantes, impactant la rentabilité des agriculteurs et la compétitivité de l’industrie agroalimentaire française. Alors que le secteur recherche des solutions pour garantir la sécurité alimentaire, la durabilité et l’innovation seront essentielles pour façonner l’avenir de cette industrie clé.