Avec des produits emblématique comme la Vache qui rit, le groupe est présent sur tous les continents et s’arme face à l’accroissement général des risques.
Au sein du fromager Bel, qui réalise 80% de son activité à l’international, la montée des risques est devenue un « fait majeur » dans la conduite des affaires, y compris le risque souverain au sens large. L’entreprise est ainsi en première ligne face aux taxes douanières de Donald Trump ou encore dans les tensions avec l’Iran.
Dans ses opérations internationales, le groupe utilise pour ses simulations financières et ses calculs d’actualisation quatre grands types de risque : volumes, pays, techniques et délais de mise en place. Des risques dont la gestion est la plupart du temps centralisée.
C’est le cas pour un des gros thèmes du moment, celui de la « compliance » au regard du droit international ou des décisions unilatérales de certains pays, Etats-Unis en tête. « Ce sujet prend une dimension croissante. Nous y consacrons beaucoup de temps avec une très forte implication du service juridique », indique à Classe Export Benoît Rousseau, Group Treasury & Insurances Director de Bel et administrateur de l’Association Française des Trésoriers d’Entreprise (AFTE).
Hormis les vérifications internes, Bel développe une approche de type KYC (« Know Your Customer »). Un « screening » qui va bien au delà du simple risque de paiement mais est multifactoriel (RSE, corruption, respect des embargos, blanchiment, etc…). Pour cela, le groupe s’appuie notamment sur les bases de données de ThomsonReuters. « Dans tous les pays sensibles, on systématise l’approche KYC de tous nos partenaires y compris les fournisseurs », note Benoît Rousseau. C’est le cas par exemple en Iran. Dans ce pays, le groupe Bel présent de longue date, maintient une activité commerciale mais aussi industrielle, car son métier n’est pas sous sanctions. Pourtant, « la plupart des banques ne veulent plus avoir affaire avec des pays sous sanctions , et ce, quelque que soit le sous-jacent et alors que le caractère parfaitement légal des opérations au regard du droit international est avéré», regrette Benoît Rousseau.
Inter : Le principe général en terme de risque client est la couverture par l’assurance-crédit
Quant au risque politique, en règle générale le choix est de ne pas s’assurer au vu du coût notamment. « Si le groupe décide d’être présent dans un pays, nous assumons ce risque. Dans notre secteur, les nationalisations ou expropriations sont rares », note Benoît Rousseau.
Par contre pour les affaires courantes à l’export, «le principe général en terme de risque client est la couverture par l’assurance-crédit ». En l’espèce, Bel a opté pour la Coface dont la connaissance du crédit sur les zones sur lequel il opère apparaît comme la plus satisfaisante et qui assure aussi le risque de non-transfert de devises. Pour autant, cette relation n’est pas toujours simple et « il faut parfois batailler pour conserver une garantie sur un client ou une zone particulière avec les assureurs crédits », relate Benoît Rousseau. En cas de carence, le groupe peut opter pour des outils de type garanties bancaire comme des Lettres de crédit Standby (SBLC) ou encore sécuriser les paiements par la négociation de LC, Lettre de Crédit».
Du coté des risques business, le risque de réputation fait partie des tendances inquiétantes au plan international. Le boycott de Danone au Maroc, pays très important pour Bel, a été un signal de rappel. « C’est un risque de plus en plus présent. Nous faisons tout pour le circonscrire en conduisant notamment une veille très active sur les réseaux sociaux. Nous sommes très vigilants et prêt à réagir à la moindre alerte». Ce type de risque est assuré, les Lloyd’s étant spécialiste du sujet, la difficulté étant de s’entendre sur les garanties, par exemple le coût de relance d’une marque affectée par un événement négatif.
« Aujourd’hui, la gestion de la compliance et du risque pays au sens large commence à représenter un poids dans nos coûts qu’il ne faut pas sous-estimer. A moyen terme, cela pourrait nous inciter à, sans doute, régionaliser d’avantage nos productions et moins privilégier les grands flux export », analyse Benoît Rousseau. Une réflexion régulière revenant, par ailleurs, au sein du groupe est la création éventuelle d’une« captive » pour les risques mal ou pas assurés.
Chiffre clés
Présent dans 130 pays au plan commercial, Bel a réalisé en 2018 un chiffre d’affaires de 3,31 milliards d’euros en léger retrait de 1% en raison d’un fort effet de change négatif de 83 millions d’euros. Le groupe a dégagé 96 millions d’euros de résultat net (-46%). Le chiffre d’affaires cumulé sur les neuf premiers mois de 2019 s’est inscrit en croissance de 2,5 % pour le groupe qui compte 30 sites de production sur les 5 continents.
Pierre-Olivier ROUAUD
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