Alors que le monde agricole est sous pression, les agriculteurs veulent remettre l’arbre au milieu de leur activité.
Dans un premier temps on imagine que l’arbre est plutôt gênant pour les travaux agricoles mais en observant davantage, on constate que l’arbre a toute sa place. Il peut produire des fruits, du bois. Il apporte aussi de l’humus au sol, il remonte l’eau et les fertilisants depuis les couches profondes du terrain. Il assure une protection de certaines cultures et développe la biodiversité. On parle de plus en plus d’agroforesterie, cette pratique qui associe arbres, cultures et animaux sur une même parcelle. Un pari sur l’avenir pour faire face au réchauffement climatique, protéger ses bêtes et les sols qui s’assèchent de plus en plus vite et de plus en plus tôt.
Dans l’édition 2022 de « La Situation des forêts du monde », l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) après avoir analysé une centaine de méthodes différentes en fonction du lieu et du contexte, pour réussir à restaurer les terres déjà dégradées, définit trois solutions forestières et leurs itinéraires, pour sortir le monde des multiples crises auxquelles il est confronté (Covid-19, conflits, crise climatique et perte de biodiversité). Ces trois solutions ont pour dénominateur commun, la gestion durable des forêts.
En Afrique les monocultures de rente, telles que le cacao, le café, la noix de cajou, le palmier à huile, le coton sont très dommageables pour les sols. Ces cultures peuvent-elles être compatibles avec une agriculture dite durable? La Côte d’Ivoire veut en tout cas y croire… Alors que près de 80% du couvert forestier a disparu, à l’ouverture de la COP15, son président Alassane Ouattara a lancé une «Initiative d’Abidjan», qui ambitionne de «créer les conditions d’une durabilité environnementale», en misant notamment sur l’agroforesterie pour restaurer 3 millions d’hectares de forêt d’ici à 2030. Pour y parvenir, il demande aux bailleurs de fonds internationaux une contribution de 1,5 milliard de dollars sur cinq ans.
Exemple typique: le cacao. La Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao avec 2,2 millions de tonnes. Cette culture de rente est faite en plein air, en culture intensive. Selon M. Samy Gaiji, le représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en Côte d’Ivoire, le cacao est un fruitier qui croît sous l’ombrage d’arbres. De ce fait, le cacaoyer, ayant une préférence à croître sous un couvert végétal, alors « on ne peut plus continuer à planter le cacao en plein air ». Sensible à la chaleur, dans ses premières années de croissance, le cacaoyer peut mourir sous la forte chaleur. Avec le réchauffement climatique, M. Samy soutient que l’agroforesterie permettra au cacao de bien croître, mais également d’avoir une production plus durable. « A long terme, s’il n’y a pas de changement de paradigme, on risque une dégradation des terres, un appauvrissement des sols et un stress hydrique » qui va provoquer sur le cacao une chute de production. « L’agroforesterie donne l’ombrage, ce qui réduit la température au niveau de la production de cacao, augmente l’humidité, (d’où) il y a moins d’évapotranspiration. L’agriculteur qui fait l’agroforesterie a une bonne production, mais peut aussi bénéficier de la valeur de l’essence planté », a-t-il souligné. Aujourd’hui, la FAO Côte d’Ivoire travaille sur l’agroforesterie, le cacao zéro déforestation et la restauration des sols. Les agriculteurs se sont initiés à l’agroforesterie afin de réduire la pression de l’exploitation tout en garantissant un revenu pour le producteur.
Le scientifique principal de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, Barron J. Orr, préconise d’autres technologies de restauration des terres et de lutte contre la désertification, en plus de l’agroforesterie et l’utilisation de biofertilisants. Au Mali par exemple, l’ONG « Réseau des femmes pour les droits environnementaux (REFEDE »), a mis au point, avec l’appui technique du Centre pour la recherche forestière internationale et l’agroforesterie mondiale (CIFOR-ICRAF), un programme de restauration des sols dégradés dans la région de Tangadougou par l’orpaillage et par la culture de vétiver.
Tony Simons est directeur général du Centre mondial de l’agroforesterie, un organe basé à Nairobi qui opère dans 43 pays en développement pour promouvoir l’abandon de l’agriculture « high tech » au profit d’un mélange de foresterie et d’agriculture, qui permet à la fois d’augmenter la productivité et les revenus, et de protéger le climat et l’environnement. Toutefois, relève-t-il, « plusieurs défis restent encore à surmonter ; à commencer par la mise à l’échelle de tous ces projets qui n’en sont qu’à des phases pilotes pour certains ou encore informelles pour d’autres« .