Après de nombreuses analyses scientifiques faites par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), début janvier, l’Union Européenne a autorisé la mise sur le marché de la poudre de grillons domestiques partiellement dégraissés en tant que nouvel aliment dans plusieurs produits (boulangerie, pâtes et autres produits semi-finis, barres de céréales, soupes, etc…) rejoignant ainsi quatre autres types d’insectes autorisés à être commercialisés en tant qu’aliments en Europe, depuis deux ans.
Dans un contexte de réchauffement climatique, de surpopulation mondiale, et de conflit en Ukraine qui a sérieusement fait chuter la production de céréales, l’inclusion de poudre de grillons dans nos aliments pourrait être une partie de solution, sachant que l’élevage des insectes ne réclame que peu d’espace, émet beaucoup moins de gaz à effet de serre que la plupart des autres sources de protéines animales et nécessite aussi moins d’eau. A titre d’exemple, pour produire la même quantité de protéines, il produit 60 fois moins de gaz à effet de serre et consomme 2.000 fois moins d’eau que le bœuf. Le grillon, par ailleurs, est très nutritif contenant deux fois plus de protéines que la viande de bœuf, deux fois plus de fer que les épinards, sept fois plus de vitamines B12 que le saumon. Autant d’avantages qui risquent d’en faire le nouvel eldorado de l’élevage.
Pas question pour autant de tromper le consommateur. Les entreprises qui utilisent cette poudre de grillon sont obligés d’indiquer sur l’emballage sa présence en français et en latin (Acheta domesticus, de son nom scientifique). Ils devront aussi préciser le risque de réaction chez les personnes allergiques aux crustacés, aux mollusques et aux acariens. La Commission européenne a également fixé des doses maximales que les fabricants doivent respecter : pas plus de 3 grammes de poudre de grillons pour 100 grammes dans les barres de céréales, maximum 1,5 gramme dans les biscuits, ou 2 g pour 100 g dans les pains.
Des autorisations, limitées à une période de cinq ans, ont donc été accordées pour la production. Seule l’entreprise Cricket One a été autorisée à commercialiser des produits à base de grillons et Ynsect pour les produits issus du ténébrion mat, nouvellement autorisé également.
Fondée en 2017, Cricket One est une SARL vietnamienne d’élevage d’insectes, basée dans la province de Binh Phuoc (Sud), qui exporte des grillons vers une vingtaine de pays dans le monde depuis 2018 (les États-Unis représentent 60% du chiffre d’affaires total des exportations de grillons, l’UE, 30%). En termes de qualité, Cricket One a obtenu le certificat FSSC 22000, le plus strict au monde en matière de sécurité alimentaire. Après 2,5 ans de travail avec des organismes compétents d’Europe, Cricket One vient donc de recevoir un certificat, lui permettant de devenir la deuxième entreprise de l’industrie des grillons autorisée à vendre des produits dans toute l’Europe et la première non-européenne.
De son côté la société Ynsect, fondée en 2011 à Paris, par des scientifiques et des militants écologistes, propose une solution écologique, saine et durable pour répondre à la demande mondiale croissante de consommation de protéines et de plantes. Exploitant des technologies de rupture protégées par 377 brevets issus de 44 familles, la start-up française construit actuellement sa troisième unité de production, la plus grande ferme verticale du monde, à Amiens, et exploite trois sites en France, aux Pays-Bas et aux Etats-Unis. Objectif : produire plus de 100 000 tonnes par an destinées à nourrir les poissons, les animaux de compagnie, mais aussi à alimenter les plantes en engrais ultra-performants. Considérée comme l’une des 40 start-up françaises les plus prometteuses du pays, présente lors du voyage d’Emmanuel Macron aux Etats-Unis en décembre 2022, Ynsect a racheté l’entreprise néerlandaise Protifarm, ce qui lui a permis d’entrer sur le marché des protéines d’insectes destinées à l’alimentation humaine.
Pour répondre à la demande mondiale en protéines et autres sources d’aliments nutritifs, La FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) estime que « des solutions novatrices doivent être mises en place et que l’élevage des insectes en est une ». Alors que la France est tout particulièrement en pointe dans « l’Agri tech », nul doute que ces insectes vont progressivement donner des ailes à nos entreprises tricolores.