Chaque semaine, ou presque, est annoncée l’implantation d’une nouvelle giga-usine de batteries en Europe. Malgré cet effet d’annonce, selon un rapport de la Cour des comptes européenne publié il y a quelques semaines, l’UE pourrait échouer à devenir un leader mondial dans l’industrie des batteries.
Compte tenu de la croissance rapide du nombre de véhicules électriques (près d’un nouveau véhicule sur cinq immatriculés dans l’UE est électrique actuellement) et de l’interdiction probable, d’ici à 2035, des voitures neuves à essence ou diesel, les batteries sont devenues un impératif stratégique pour l’Union européenne. Elles devraient jouer un rôle essentiel dans la transition de l’UE vers une énergie propre et constituer un élément clé de la compétitivité de son secteur de la construction automobile, qui emploie actuellement quelque 3,5 millions de personnes.
Cinq ans après l’adoption du plan d’action de 2018 visant à faire de l’Europe un chef de file mondial de la production et de l’utilisation de batteries durables, les auditeurs du rapport ont évalué la pertinence et l’efficacité de la politique industrielle de l’UE en matière de batteries. Ils se sont rendus en Allemagne, en Espagne, en France, en Pologne et en Suède (pays dans lesquels sont mis en œuvre les projets liés aux batteries qui bénéficient de la majeure partie des financements de l’UE) ainsi qu’au Portugal (le pays d’Europe possédant les principales réserves connues de lithium).
Les résultats semblent compromis… Malgré les efforts de l’UE déployés pour promouvoir sa politique industrielle dans ce domaine, des obstacles majeurs tels que l’accès aux matières premières, l’augmentation des coûts et la concurrence mondiale féroce pourraient limiter sa capacité à répondre à la demande croissante. Cela risque de compromettre l’objectif de « zéro émission » d’ici à 2035 et de nuire à la souveraineté économique de l’UE.
D’abord, l’industrie européenne des batteries est en retard par rapport à la Chine, qui détient 76 % de la capacité de production mondiale. Malgré un plan d’action stratégique de la Commission européenne en 2018 et des investissements massifs, l’UE fait face à des défis tels que l’attrait pour les investisseurs et les coûts élevés à supporter.
Certes, l’Union a investi massivement dans sa chaîne de valeur des batteries afin de réduire sa dépendance stratégique actuelle vis-à-vis des producteurs de batteries étrangers. L’UE a accordé 1,7 milliard d’euros de subventions et de garanties de prêts à l’industrie des batteries entre 2014 et 2020, en plus des aides d’État autorisées pour un montant de 6 milliards d’euros entre 2019 et 2021. Cependant, il n’y a pas de vue d’ensemble du montant total des aides publiques accordées, ce qui entrave la coordination et le ciblage adéquats.
La capacité de production de batteries de l’UE devrait augmenter rapidement, passant de 44 gigawattheures en 2020 à 1 200 d’ici 2030. Cependant, cela pourrait être compromis par des facteurs géopolitiques et économiques. Les producteurs de batteries pourraient préférer d’autres régions, comme les États-Unis, qui proposent des incitations financières importantes. De plus, l’UE dépend fortement des importations de matières premières provenant de pays avec lesquels elle n’a pas conclu d’accords commerciaux, ce qui crée des risques sur l’approvisionnement. Enfin, la hausse des prix des matières premières et de l’énergie pourrait compromettre la compétitivité de la production de batteries de l’UE.
En raison de ces défis, les auditeurs envisagent deux scénarios alarmants. Dans l’un, l’UE serait contrainte de repousser l’interdiction des véhicules à combustion interne au-delà de 2035, compromettant ainsi ses objectifs de neutralité carbone. Dans l’autre, l’UE devrait largement dépendre de l’importation de batteries ou de véhicules électriques, ce qui pourrait nuire à l’industrie automobile européenne et à ses emplois, pour atteindre son objectif de flotte automobile à zéro émission d’ici 2035.