Reprenant une thématique évoquée de façon croissante au plan mondial, la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) vient d’appeler à une accélération de la transition énergétique du transport maritime. Un plaidoyer développé à l’occasion de la publication, le 27 septembre dernier, de son rapport annuel « Review of Maritime Transport 2023« .
Alors que le secteur approche 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, celles-ci ont bondi de 20% sur la dernière décennie, déplore la Cnuced qui pointe le besoin de carburants plus propres et d’une « transition équitable ». Cependant ce passage de la flotte mondiale à des modes de propulsion plus verts aura un coût. Il faudra, selon elle, « entre 8 et 28 milliards de dollars supplémentaires par an pour décarboner les navires d’ici 2050 ». A ceci, devront s’ajouter des investissements encore plus substantiels dans les infrastructures, chiffrés de 28 à 90 milliards de dollars par an. Cela irait donc jusqu’à représenter un cumul (navires et infrastructures) de 118 milliards de dollars par an dans la fourchette haute. De plus, en termes de dépenses d’exploitation, une décarbonisation complète pourrait augmenter les dépenses annuelles en carburant du secteur de 70 à 100 %, chiffre encore la Cnuced.
Actuellement, 98,9 % de la flotte mondiale fonctionne avec des carburants fossiles traditionnels, fuel pour l’essentiel. La marche à franchir est donc gigantesque, ceci dans un contexte tendanciel de vieillissement de la flotte. Début 2023, les navires de commerce avaient 22,2 ans en moyenne, soit deux ans de plus qu’il y a une décennie et plus de la moitié de la flotte mondiale a plus de 15 ans.
A l’image des grands armateurs européen comme Maersk, MSC ou CMA-CGM qui multiplient les initiatives en ce sens, la Cnuced pointe une certaine tendance positive. Selon elle, 21 % des navires actuellement en commande sont conçus pour pouvoir être propulsés par des carburants alternatifs (GNL, méthanol, ammoniac…).
Dans un domaine mondialisé s’il en est, l’enjeu est de parvenir à une mutation globale impliquant non seulement les chargeurs et armateurs, mais aussi tous les pavillons y compris les plus importants numériquement (Liberia, Panama Îles Marshall) et les grands pays constructeurs de navire (Chine, Corée du Sud et Japon, pour l’essentiel). Afin de garantir une transition équitable, la Cnuced appelle donc « à un cadre réglementaire universel applicable à tous les navires, quels que soient leur pavillon d’immatriculation, leur propriété ou leurs zones d’exploitation, évitant ainsi un processus de décarbonisation à deux vitesses et maintenant des règles du jeu équitables ».
Pour rappel, l’Organisation maritime internationale (OMI), le 7 juillet dernier s’est accordée sur le principe d’un objectif « net zéro » en 2050, sans toutefois fixer d’objectifs intermédiaires contraignants. Dans ce contexte, l’Union européenne a adopté de son côté ce 25 juillet un nouveau règlement dit « FuelEU Maritime » applicable le 1er janvier 2025, celui-ci fixant des objectifs obligatoires au secteur maritime, à savoir 2% d’émissions en moins chaque année, pour parvenir à la neutralité en 2050.
Enfin, dans un tout autre registre, celui des prévisions économiques, la Cnuced dans son rapport, estime que le volume total du commerce maritime devrait rebondir de 2,4 % en 2023 après un repli de 0,4 % en 2022. Sa croissance devrait être de 2 % en moyenne annuelle entre 2024 et 2028.