Ciblant la logistique mondiale, les deux groupes viennent de lancer une plateforme informatique à base d’intelligence artificielle permettant de mesurer et d’améliorer la performance carbone dans le transport des matières premières.
Dans le petit monde de plus en plus encombré du conseil aux entreprises en matière de décarbonation, Trafigura et Palantir veulent se distinguer. Dans un partenariat inédit, le géant du négoce des matières premières basé à Genève et Palantir Technologies Inc., société californienne vedette du « big data, viennent de s’associer pour proposer un service ad hoc aux grands logisticiens et chargeurs du commerce mondial. Il s’agit d’une plateforme informatique d’intégration de données recourant à l’intelligence artificielle.
Annoncé en mai 2022, cet outil dénommé « Agora for Energy » a trouvé sa première matérialisation. Le 6 septembre dernier, à l’occasion du salon « Asia Pacific Petroleum Conference, 2023 » sur l’énergie à Singapour, les partenaires ont révélé les premiers utilisateurs de ce service, à savoir les pétroliers colombiens Ecopetrol et britanniques et BP, ainsi que le groupe Trafigura, lui-même.
La plateforme Agora doit permettre d’estimer au plus près les émissions de carbone liées à la chaîne d’approvisionnement des grandes entreprises, par exemple pour des opérations logistiques complètes (production, chargement, transport maritime, déchargement…). A ce stade, le service est centré sur les matières premières énergétiques et minérales.
« Nos clients nous demandent de plus en plus de visibilité sur les émissions du cycle de vie des matières premières que nous transportons alors qu’ils se préparent à la déclaration réglementée des émissions Scope 3 et plus généralement à l’objectif Net Zero », justifiait Jeremy Weir, PDG de Trafigura, lors de l’annonce du projet.
L’outil s’appuie sur la plateforme d’intégration et de traitement de données « Foundry » de Palantir connue pour être mise en œuvre par la CIA, mais aussi par de grandes entreprises (Airbus, Sanofi, Stellantis…).
Concernant Agora, l’intérêt du système est qu’il permet d’intégrer des données disparates en vue de déterminer l’impact carbone d’un ensemble d’opérations industrielles et logistiques maritimes ou terrestres. Pour évaluer la métrique carbone de ces différentes étapes, le système va piocher dans les bases de données de S&P Global Commodity Insights. En modélisant différents scénarios logistiques, un chargeur pourra ainsi déterminer quel est le plus vertueux en termes d’impact carbone.
L’an dernier, lors de la phase pilote du projet, Palantir et Trafigura expliquaient avoir configuré des scénarios sur dix millions de trajectoires carbone en utilisant des expéditions de matières premières actualisées intégrant les propres mesures de Trafigura complétées par des données tierces.
L’étape suivante pour les partenaires est d’articuler l’outil avec les différents systèmes de normalisation nationaux ou internationaux, pour développer des méthodologies reconnues de reporting, par exemple, celles portées sur la base du volontariat par l’association mondiale « Carbon Disclosure Project » (CDP).
S’il se distingue par le poids de ses fondateurs et le fait qu’il soit axé sur le transport mondial, Agora est loin d’être le seul service du genre. Les géants des technologies comme Dassault Systèmes, SAP, IBM, Microsoft ou Oracle sont de plus en plus nombreux à incorporer la mesure et l’optimisation de l’empreinte carbone de la supply chain dans leurs systèmes de gestion intégrée. Sans parler des acteurs spécialisés comme le français PlaniSense. A ceci, s’ajoutent une myriade d’initiatives de start-ups aux quatre coins du monde, à l’image de Terrascope, une jeune pousse basée à Singapour incubée par Olam Ventures. Celle-ci a déjà séduit le groupe japonais Mitsubishi Corporation Agri Alliance pour l’élaboration de différents scénarios carbone de production et transport international en Asie.