Entre les tensions sur les chaînes logistiques (Panama, Mer rouge…), les niveaux de croissance médiocres et les conflits armés, il n’y a pas de miracle à attendre sur le front des échanges cette année. Dans ses Perspectives économiques mondiales publiées le 9 janvier dernier, la Banque mondiale prévoit une hausse du commerce mondial des biens et services de 2,3% en volume. C’est certes plus de dix fois plus que la piteuse performance de 2023 (+0,2%) qui succédait à deux années de nette reprise post-covid (+11,1% en 2021 et +5,6% en 2022) mais au vu de l’atonie économique persistante, il s’agit d’une révision à la baisse de 0,5 points sur les Perspectives de juin 2023. La prévision sur 2025 se situe, elle, à 3,1%, un niveau quasi inchangé (+0,1 point).
Selon la banque présidée par l’American Ajay Banga, la croissance des échanges de biens et services en 2023, aura été la plus basse en dehors des récessions mondiales des cinquante dernières années ! Le commerce des biens s’est, notamment, contracté l’an dernier « reflétant le déclin des principales économies avancées et le ralentissement des économies émergentes, ainsi que le fort ralentissement de la croissance de la production industrielle mondiale », indique l’Institution qui précise, là encore qu’il s’agit « de la première contraction soutenue du commerce de biens en dehors d’une récession mondiale ces vingt dernières années ».
En 2024, le commerce des biens devrait recommencer à croître, mais la contribution des services à la croissance totale des échanges devrait, elle, diminuer.
Ces chiffres en demi-teinte reflètent l’anticipation plutôt morose sur le front de la croissance aussi bien du côté des pays avancés que de la plupart des émergents. Ainsi, pour la troisième année de suite, la croissance du PIB mondial devrait ralentir passant de 2,6% en 2023 à 2,4 % cette année, soit environ 0,75 points sous la moyenne des années 2010. « Faute d’un changement de cap majeur, les années 2020 resteront dans les annales comme une décennie d’opportunités gâchées », estime Indermit Gill, économiste en chef et premier vice-président du Groupe de la Banque mondiale.
Les pays à faible revenu connaîtront, selon la Banque mondiale, une croissance plus faible que prévu à 5,5 %. Les économies en développement devraient pour leur part croître de 3,9 % (un point de moins que la moyenne décennale antérieure). Enfin, les économies avancées devraient voir leur croissance ralentir à 1,2 % en 2024 contre 1,5 % l’an dernier, à l’image de l’Allemagne entrée en récession en 2023, une situation qui pourrait perdurer en 2024. La zone euro, pour sa part, est attendue à 0,7% de croissance cette année, un chiffre révisé à la baisse de 0,6 point.
« Le risque d’une récession globale s’est éloigné, en grande partie grâce à la vigueur de l’économie américaine » relève toutefois la Banque mondiale. La croissance des Etats-Unis est attendue à 1,6%, soit une réévaluation de 0,8 point par rapport à juin dernier.
Dans ce contexte, l’Asie du Sud-Est sera la région avec la plus forte croissance prévue. Cette année, son PIB devrait bondir de 5,6% (Inde en tête à 6,4%) soit, et pour la troisième fois de suite, un niveau supérieur à celui de la Chine (+4,5%), ce qui constitue en soi un véritable basculement ! L’Afrique subsaharienne, pour sa part, devrait connaître une croissance de 3,8% contre 2,9% en 2023.
A noter qu’en matière de contexte macroéconomique, le rapport table sur la poursuite d’une certaine détente sur l’évolution des prix, un point clé qui conditionne les politiques plus ou moins restrictives des banques centrales. La moyenne mondiale de l’inflation (prix à la consommation) devrait s’établir à 3,85% à fin 2024, contre 4,98% fin 2023. Quant aux prix des matières premières, le reflux est, lui aussi, d’actualité. L’indice composite de la Banque mondiale devrait s’établir à 104,9 points cette année contre 108,4 en 2023 et 142,5 en 2022. Le prix du baril du pétrole s’élèvera selon la Banque mondiale à 81 dollars en moyenne annuelle contre 83,1 dollars l’an dernier.
En matière d’échanges internationaux, cette détente des prix n’obère pas les autres types de risques. « L’incertitude géopolitique, en particulier les conflits armés en cours [Ukraine, Gaza, Yémen… NDR] et la possibilité d’un ralentissement prolongé en Chine présentent des risques à la baisse pour les perspectives commerciales », estime le rapport qui pointe, par ailleurs, l’augmentation du recours à des politiques commerciales restrictives et aux subventions et autres politiques industrielles visant à localiser la production. « La poursuite de cette tendance pourrait entraîner une fragmentation des chaînes d’approvisionnement et une croissance des échanges plus lente que prévu dans le scénario de référence » note la Banque mondiale dans ses perspectives, décidément bien moroses.