À l’échelle mondiale, les exportations françaises de vins ont dépassé en 2021 leur niveau pré-pandémique. Exportant 144,9 millions d’hectolitres de vin pour 10,5 milliards d’euros en 2021, les opérateurs français font plus que rattraper les pertes de marché de la crise Covid, ils dépassent les niveaux d’avant (respectivement +10 % en volume et +28 % en valeur par rapport à 2020, ainsi que +4 et +13 % par rapport à 2019). En France, la filière des vins et spiritueux est le deuxième contributeur à la balance commerciale française avec une balance positive record de 14,2 milliards € (derrière l’aéronautique et devant les parfums/cosmétiques).
Aux états unis l’ambiance n’est pas la même…
Certes, les prix ayant augmenté, les distributeurs de vodka, tequila, whisky et brandy ont vu leur chiffre d’affaires augmenter et le secteur continue par ailleurs à gagner du terrain face aux autres formes de boissons alcoolisées, représentant désormais 41,3% du chiffre d’affaires du marché aux États-Unis, contre 42,5% pour la bière et 16,1% pour le vin. Selon la fédération professionnelle du secteur Discus, les ventes pour la consommation à domicile sont restées stables après avoir progressé de 18% en 2020, et elles ont grimpé de 53% dans les établissements après avoir chuté de 44% en 2020. Elles ont profité dans leur ensemble de l’appétence des consommateurs pour des alcools plus hauts de gamme, de la permission accordée dans plusieurs États de vendre des cocktails à apporter, et du recours croissant aux commandes en ligne. La catégorie ayant enregistré la plus forte progression sur l’année est celle des cocktails prêts à boire (+42%), suivie des tequilas et mezcal (+30%) et des whiskys irlandais (+16%).
Mais le vin (français ou américain) est tenu à l’écart de cette embellie.
Selon un article du New-York Times publié il y a quelques semaines, « l’industrie américaine du vin est convaincue d’avoir un problème : les millennials ». Alors que l’ancienne génération (les « boomers », nés entre 1946 et 1964) vieillit, la nouvelle génération (les « millennials », nés entre 1980 et 1995) ne serait pas prête à prendre la relève de ses aïeux dans la consommation de vin.
Cet article du New-York Times se base sur un rapport de l’industrie du vin aux États-Unis, publié le mois dernier par Rob McMillan, l’un des analystes les plus réputés du pays. « Les ventes de vin américain pourraient chuter de 20 % au cours de la prochaine décennie », a alerté le spécialiste. Pourquoi un tel désintérêt pour le vin chez les 25-35 ans ? Le pouvoir d’achat principalement… Le vin coûte beaucoup plus cher aujourd’hui, et des marges exorbitantes sont pratiquées par les restaurants déclare Rob McMillan, expliquant : « un bon vin est plus cher que la bière ou des spiritueux de qualité comparable », ce qui pousserait les millennials à opter pour ce type de boissons. L’augmentation de la concurrence pourrait aussi précipiter la chute. Les jeunes préfèrent désormais les bières qui proviennent de centaines de petites brasserie américaine ou les cocktails.
D’après le dernier rapport de la Fédération des grossistes américains (WSWA), les ventes de vins ont régressé de 5,4% sur les douze mois se terminant en septembre 2021, voire de 8,9% sur une période de trois mois.
Plusieurs solutions sont déjà mises sur la table: Certains professionnels veulent inscrire le vin dans le cadre d’un grand programme de recherche et de promotion chapeauté par le ministère de l’Agriculture (USDA). De façon plus pragmatique, il semble aussi important d’adopter des outils numériques. Après avoir fait un bond de 240% pendant la pandémie, l’e-commerce et les plateformes numériques ne représentent pas un circuit de plus, mais plutôt une voie d’accès privilégié au marché, qui plus est, particulièrement bien adapté aux vins français au positionnement plutôt premium.
Enfin, il faut reconnaître que l’industrie viticole a manqué à « séduire les jeunes consommateurs » tant sur le marketing, les valeurs sociales et écologiques. 53% des achats de vins ligne sont effectués par les moins de 40 ans et une stratégie digitale – englobant les réseaux sociaux – est indispensable pour les toucher. Il va falloir innover ( Schenk par exemple est en train d’investir dans une bouteille en vin en carton recyclable et a même créé une cave à bilan carbone négatif) et mettre l’accent sur le respect de leurs valeurs : les jeunes sont plus soucieux de leur santé, d’où la forte tendance bien-être qui favorise des boissons plus faiblement alcoolisées et moins caloriques, voire vegan. Dans le même esprit, ils plébiscitent les vins désaltérants (comme le Prosecco et les rosés) et apprécient les formats alternatifs comme les cannettes, les BIB et les vins au verre. La livraison à domicile est également privilégiée, surtout depuis le Covid.
Les viticulteurs américains ont donc du pain sur la planche, mais les français ne sont pas pour autant hors de danger. En France, si 2022 est une année d’élections, elle sera aussi une année de gestion de la petite production 2021 (sous l’effet d’un gel historique), des tensions sur les matières premières (pénurie et hausses de prix sur le carton, les bouteilles, les caisses bois…) et de difficultés logistiques (augmentation des coûts et délais pour les containeurs).