Le secteur du commerce connait une augmentation de son chiffre d’affaires de 41% aux Etats-Unis entre 2011 et 2020. Une réalité observée dans de nombreux pays de l’OCDE mais qui cache des situations très disparates tant sur le plan sectoriel que géographique.
La crise sanitaire aura été un accélérateur et un révélateur de tendances dans de nombreux secteurs. Celui du commerce ne fait pas exception à la règle. Déjà en mutation depuis une dizaine d’années avec l’arrivée du digital, presque omniprésent dans le milieu, le secteur du commerce a vu ses tendances structurelles exacerbées par la pandémie. D’une part, la vente au détail connait une croissance continue de l’offre de nouveaux produits et une consolidation accélérée du secteur. La croissance en valeur du commerce a cru de 41 % d’après le Bureau of Economic Analysis aux Etats-Unis entre 2011 et 2020. D’autre part, le retail physique s’effondre au profit du retail en digital, provoquant des modifications profondes du paysage commercial. Une étude comparative réalisée par la Direction Générale du Trésor auprès de huit ambassades de France (Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Suède, Pays-Bas, États-Unis, Chine et Canada), analyse les mutations du secteur du commerce.
La vente au détail physique souffre au profit du e-commerce
La vente au détail physique est le secteur qui connait les plus grandes difficultés. L’ouverture d’établissements commerciaux est fébrile voire en recul depuis cinq ans. Au Royaume Uni, d’après PWC, 40 500 enseignes auraient été fermées depuis 2016. Le développement du télétravail n’y ait pas pour rien et a affecté certaines rues commerçantes des centres-villes. C’est le cas en Suède, aux Pays-Bas ou encore en Italie où le pays a connu une chute de la consommation de près de 10,8 points par rapport à 2019, conduisant inexorablement à la fermeture d’enseignes. De la même façon, l’emploi dans le commerce de détail a reculé. Selon le Bureau of Labor Statistics, depuis 2016 aux Etats-Unis, la vente au détail a désormais tendance à détruire de l’emploi, et le secteur de la logistique et de l’entreposage à en créer.
La Chine, à l’inverse, fait la part belle au e-commerce. Ce dernier représente la part la plus élevée dans l’ensemble des activités de vente au détail. Les réseaux sociaux y occupent une part croissante et voient l’apparition de nouveaux modèles économiques et acteurs qui captent une partie de la valeur ajoutée, comme les influenceurs
Des conséquences sur le paysage urbain
Alors que de nombreux commerces physiques ont fermé, l’ouverture d’entrepôts a bondi. Pour répondre à la demande croissante du commerce en ligne, l’activité de distribution a dû s’adapter. C’est le cas d’Amsterdam où l’immobilier pour des espaces logistiques est bien plus dynamique que pour des surfaces commerciales, en berne avec des baisses de 2 250 à 2 700 € par m² pour les loyers des surfaces les plus en vues de la capitale néerlandaise. De la même façon, en Italie de nombreuses surfaces physiques ont été remplacées par des entrepôts.
La réponse des pouvoirs publics : la politique du phygital
Face à ces mutations, une double dynamique est impulsée par les pouvoirs publics. D’une part c’est le soutien aux TPE/PME dans la digitalisation de leurs activités. Depuis 2018, la Campanie en Italie offre un chèque numérique allant jusqu’à 10 000€ pour toutes les TPE/PME qui souhaitent se numériser. En Allemagne, le ministère de l’économie subventionne les PME et les startups les plus innovantes du secteur du commerce et un programme fédéral de soutien et d’orientation des efforts est structuré à partir de l’initiative « Centre de compétence 4.0 » qui agit comme un forum mettant en lien les demandeurs de transformation numérique et des offreurs qualifiés.
Le Canada a quant à lui, a adopté un programme d’un milliard d’euros alloués sur quatre ans à compter de 2021-2022, pour soutenir 160 000 PME du secteur du commerce dans leur transition numérique.
Ou encore, grâce au programme Retailagenda, la vacance des centres-villes a réduit de moitié entre 2015 et 2020 aux Pays-Bas.
D’autre part, les pouvoirs publics s’attachent à ne pas laisser tomber les territoires les moins attractifs et à soutenir leur revitalisation. Par exemple, les autorités gouvernementales allemandes ont mis en place trois grands programmes de structuration pour soutenir les territoires en perte de vitesse. Le triptyque « cohésion sociale » (200 millions d’euros pour 2021), « centres vivants » (300 millions d’euros pour 2020-2021) et « croissance et renouveau durable » (290 millions d’euros en 2021) a pour objectif de redynamiser les centres-villes, augmenter leur attractivité mais également de s’emparer du sujet des friches industrielles.
Les évolutions du commerce sont telles que les solutions et réponses apportées au secteur sont hétérogènes selon les dynamiques territoriales. Aides à l’investissement, adaptation de la fiscalité, aménagement commercial, stratégie quant à la logistique urbaine ou à la formation de la main d’œuvre et à la gestion des compétences, constituent autant de leviers possibles.
De plus, selon Cross-Border commerce UE, la part du e-commerce ne représente que 6.8% dans le commerce de détail en Europe en 2021. De quoi garder l’espoir de pouvoir continuer à faire ses magasins en physique, encore un moment.