Adapter à l’ère numérique, les instruments de financement du commerce international : tel est le chantier de longue haleine auquel a décidé de s’attaquer le gouvernement. Pour cela, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, Eric Dupond-Moretti, Garde des sceaux et Olivier Becht, ministre délégué chargé du Commerce extérieur ont sollicité une mission d’étude indépendante en novembre dernier. Celle-ci a rendu le 29 juin juillet un rapport extrêmement riche et détaillé de 115 pages sur le sujet qui propose plusieurs réformes clés du dispositif législatif et réglementaire français.
Conduite par les professionnels Béatrice Collot (Banque postale Leasing) et Philippe Henry (Dewenson Partners) qui dirigent le groupe de travail ad hoc de Paris Europlace, et s’appuyant sur des travaux antérieurs de l’ICC France, la mission dresse un constat simple. En matière de commerce international, alors qu’un nombre croissant de transactions, contrôles ou formalités douanières sont dématérialisées, les opérations de financement (communément dénommées « trade finance ») demeurent pour partie contraintes par des procédures physiques, avec usage de documentation papier (par exemple le connaissement maritime).
Comme l’indique le rapport ‘l’absence de reconnaissance (..) de la valeur probante de la forme électronique des titres dits « transférables », c’est-à-dire de documents incorporant un droit de telle sorte que l’exercice ou le transfert de ce droit ne puisse être effectué indépendamment du document, se traduit par des délais en rupture avec les habitudes d’affaires actuelles ».
Cette « loi type pour l’usage de documents transférables électroniques, fournit une référence pour la mise en place, par les Etats, de cadres juridiques adaptés à la dématérialisation des flux documentaires du commerce international », indique le rapport. Cette réforme est à même, selon le rapport, de renforcer en matière de « trade finance » l’attractivité et la compétitivité de la Place financière de Paris « aujourd’hui fortement concurrencées » et de faciliter le financement des entreprises françaises, notamment des PME et ETI, dans leurs opérations à l’international.
L’évolution législative et réglementaire ne sera pas simple pour autant car elle suppose de réviser certaines dispositions fondamentales de notre droit en matière de preuve par exemple. De ce fait, les initiatives à venir relèvent désormais plus du ministère de la Justice que de Bercy.
A noter que pour établir le rapport la mission a auditionné une centaine de hauts fonctionnaires et de professionnels de la finance, du commerce ou de la logistique (BNP-Paribas, CA-CIB, CMA-CGM, Trafigura, Fives…). Elle s’est aussi rendue à la City de Londres où des réflexions similaires sont menées, avec des évolutions législatives attendues à assez court terme.
Dans le cadre du rapport, la mission a voulu évaluer l’effet de l’adoption d’un cadre juridique compatible avec la loi type de la CNUDCI pour la France. Pour les transactions d’import – export potentiellement concernées, à savoir environ 329 milliards de dollars, la dématérialisation des documents transférables générerait une économie estimée à 823 millions de dollars.
A côté de la réforme majeure proposée concernant les titres transférables électroniques, le rapport a aussi pour vertu de dresser un état des forces et faiblesses de la Trade finance en France et de l’écosystème national de la TradeTech, riche de plus d’une centaine d’acteurs.