L’infrastructure lancée il y a cinq ans a frôlé les 10 millions de tonnes de trafic total. Alors que de nouveaux projets industriels et miniers se dessinent.
Croissance au menu pour le port en eau profonde de Kribi. Entrée en activité en mars 2018, l’infrastructure est située sur la côte sud du pays, à 170 km de Douala par la route (et demain l’autoroute). Elle s’affirme comme de plus en plus un rouage essentiel à l’économie du Cameroun. En 2021, l’activité globale avait marqué le pas, conséquence indirecte des perturbations logistiques et énergétiques mondiales. Mais l’an dernier, le Port autonome de Kribi (PAK) est reparti de l’avant, avec un trafic total record (incluant le pétrole et le gaz) de 9,97 millions de tonnes (MT), dépassant les 8,28 MT de 2021 et les 8,53 MT de 2020.
Conçu initialement comme un port minéralier chargé d’évacuer les abondantes ressources en minerai de fer du pays, Kribi n’a pas souffert de l’absence, à ce jour, de mise en valeur à grande échelle de ces mines.
Sur les cinq années d’exploitation, les différents terminaux, vrac conteneurs, gaz… ont connu une forte croissance moyenne, à savoir notamment 35% par an pour le terminal à conteneur KCT qui peut accueillir des navires d’une capacité de 11 000 EVP ou encore 85% par an pour le terminal polyvalent boosté par les importations de clinker. Des chiffres révélés en mai par Patrice Melom, directeur général de l’Autorité du Port autonome de Kribi.
Et ce n’est pas fini. Pour rappel, le 22 octobre 2022 a été mis en eau le premier caisson de quai de la phase 2 du terminal à conteneur. D’une capacité nominale de 300 000 EVP par an, le terminal actuel est exploité par un consortium constitué d’actionnaires camerounais, de Bolloré (désormais Africa Global Logistics du groupe MSC), de CMA-CGM et du chinois China Harbour Engineering Company (filiale du géant CCCC) qui a construit le port.
Peu de temps avant le lancement des travaux de cette phase 2, les partenaires du KCT avaient signé le 26 septembre 2022 avec les pouvoirs publics l’avenant de la concession ainsi que le plan de financement et de construction sur cette extension qui sera réalisé par China Harbour Engineering Company (CHEC). Ce projet comprend l’aménagement d’un quai additionnel de 715 mètres, d’un terre-plein de 30 hectares et l’acquisition de cinq portiques de quai et quinze portiques de parc. Un développement dont le coût global est estimé à 400 milliards de F CFA (610 millions d’euros). L’extension permettra de conforter l’hinterland national et international (Centrafrique, Tchad…) en faisant passer la capacité à 1 million EVP, à la fois comme aujourd’hui en activités de transbordement ou d’import/export, au risque de faire de l’ombre au port de Douala.
L’extension aura aussi un impact sur le terminal polyvalent exploité depuis juillet 2020 par le groupe philippin ICTSI (International Container Terminal Services, Inc). Ce terminal KMT (Kribi Multipurpose Terminal) disposera d’un quai de 650 mètres contre 265 mètres actuellement et pourra traiter 4 MT par an contre 1,2 MT, à ce jour.
Afin de développer l’écosystème, non seulement portuaire, mais aussi logistique et industrielle de la région, les autorités projettent, pour rappel, la création d’une zone d’activité à proximité du site portuaire, un projet dénommé Zone Industrielle Intégrée du Port de Kribi (ZIIPK), destiné à doper les activités actuelles (ciment, coton, cacao, minoterie…)
Les quatre opérateurs Bolloré Africa Logistics, CHEC, Tanger Med (qui appuie PAK en matière d’ingénierie) et ICTSI ont signé un mémorandum avec le PAK en ce sens le 15 février dernier. Ceci dans l’objectif de développer une zone industrielle et logistique de 1500 ha. dont le foncier sera mis à disposition par l’Etat.
Reste à s’assurer que tous les services nécessaires suivront. Les opérateurs et usagers du port se plaignent régulièrement de la déficience des liaisons télécom et surtout du réseau électrique. A ce titre, le PAK prépare depuis l’an dernier la construction par un opérateur privé en concession d’une centrale électrique à gaz de 80 MW pour laquelle cinq candidats dont Globeleq ou Aggreko ont déjà été pré-sélectionnés.
A plus long terme, la vocation minière de Kribi pourrait devenir une réalité. La construction du chemin de fer qui reliera Kribi aux gisements de fer de Mbalam dans le sud-est du pays (et ceux de Nabeba au Congo) devrait, selon les pouvoirs publics, commencer ce second semestre. Ce projet de concession, plusieurs fois retardé, est aujourd’hui porté par le groupe de Hong Kong Bestway Finance Ltd et l’Australien à capitaux chinois AutSino Resources Ltd qui devront aussi construire un terminal minéralier à Kribi. Ce 8 juin, les autorités congolaises et camerounaises se sont entendues pour allonger vers le Congo (610 km contre 540 km précédemment) le tracé ferroviaire de la ligne Nabeba-Mbalam-Kribi. Le développement de la plate-forme de Kribi n’en est, en fait, qu’à ses débuts.