Conduit par Trafigura et Mota Engil , le PPP du corridor ferroviaire de Lobito en Angola est entré en phase active. La relance de cette liaison va offrir une nouvelle voie de sortie maritime pour le cuivre de RD Congo et Zambie au prix de gros investissements soutenus par les Etats-Unis.
Un changement de paradigme logistique… ainsi se présente la relance du corridor ferroviaire de Lobito en Angola par le consortium Trafigura, Mota Engil et Vecturis.
Après la signature formelle du contrat le 9 novembre 2022, la concession vient officiellement d’entrer en phase active ce 4 juillet lors d’une cérémonie organisée à Lobito en présence des sociétés du groupement et des présidents angolais, kino-congolais et zambiens, respectivement João Lourenço, Félix Tshisekedi et Hakainde Hichilema.
A cette occasion, les trois chefs d’Etat qui avaient acté en janvier dernier la création d’une agence ad hoc de facilitation du transit transfrontalier « ont convenu d’utiliser de façon optimale le corridor ferroviaire angolais de Lobito, situé près des régions minières du Grand Katanga en RDC et du Copperbelt en Zambie », indique la présidence kino-congolaise.
Selon Félix Tshisekedi » la pleine opérationnalisation de ce corridor permettra in fine le désenclavement des mines de la Zambie et de la RD Congo, de même que l’accès et la circulation d’intrants indispensables aussi bien à l’industrie minière qu’agricole, tant en termes d’extraction que de production ».
Le consortium est contrôlé à 49,5% par le trader suisse Trafigura, 49,5% également par le groupe de BTP portugais Mota Engil et 1% par de la société belge d’exploitation ferroviaire Vecturis. Il s’était vu attribuer le 20 juillet 2022 la concession pour trente ans à l’issue d’un appel d’offres international, emporté face notamment à des opérateurs chinois.
Lobito Atlantic Railway, c’est le nom officiel du groupement, va prendre en charge l’exploitation, la gestion et la maintenance de l’infrastructure ferroviaire (pour le fret seulement) du corridor ouest-est. Celui-ci s’étend sur 1 290 km. Il relie le port de Lobito sur l’Atlantique à la ville de Luau, dans l’est de l’Angola, près de la frontière de la RD Congo, où existe une connexion avec le réseau de la Société Nationale Des Chemins De Fer Du Congo (SNCC).
La modernisation de la ligne, du matériel roulant et de la signalisation doit permettre le développement massif du fret minier à partir des gisements du sud de la RD Congo et à terme de la Zambie. Cette extension suppose néanmoins des investissements additionnels en RD Congo et dans le nord-ouest de la Zambie (non inclus dans le PPP).
Dans le cadre de son contrat, Lobito Atlantic Railway a promis d’investir 455 millions de dollars en Angola et jusqu’à 100 millions de dollars en RD Congo. Trafigura a récemment confirmé qu’il » existe un potentiel d’investissement supplémentaire, car l’opportunité est explorée d’étendre la ligne plus loin en Zambie, ».
Pour rappel, Trafigura, premier trader mondial de cuivre devant Glencore, est déjà gestionnaire de plusieurs plateformes logistiques en RD Congo dans la zone de production du métal rouge et du cobalt notamment à Kolwezi, Lubumbashi, Likasi, ou Ndola.
La ligne de chemin de fer en elle-même est en bon état. Elle a, en effet, été rénovée en 2014 au prix de 1,8 milliard de dollars d’investissement dans le cadre d’un contrat, assorti de financements, entre l’Angola et la Chine.
A noter que la société publique Caminho de Ferro de Benguela (CFB) qui assurait l’ensemble du transport de marchandises et de voyageurs sur la ligne continuera d’être seule gestionnaire du trafic passager.
Pour développer l’activité fret, le consortium prévoit de moderniser ou d’acquérir pas moins de 1 555 wagons et 35 locomotives pour le seul côté angolais du corridor. Il doit atteindre à terme une fréquence quotidienne de 49 trains et créer 1 600 emplois directs.
Côté financement, à côté des concours bancaires déjà sollicités par le consortium, les Etats-Unis devraient être de la partie. Les autorités américaines ont indiqué le 20 mai dernier, à l’occasion du G7 d’Hiroshima, que l’agence publique DFC (Development Finance Corporation) effectuait les « due diligence » pour un investissement envisagé de 250 millions de dollars en soutien au consortium Lobito Atlantic Railway Corridor.
Cette première incursion des Etats-Unis dans le domaine ferroviaire en Afrique s’explique par le caractère stratégique de la concession. Actuellement une grande partie du concentré de cuivre ou du cobalt de la Copperbelt est expédiée par camion, soit à 3 000 km au sud vers le port de Durban en Afrique du sud, soit à l’est vers le port fréquemment engorgé de Dar Es Salam en Tanzanie, disant d’environ 2200 km
Pour les groupes miniers en RD Congo, comme Ivanhoe Mines, qui a développé près de Kolwezi l’énorme projet Kamoa Kakula et va relancer avec Gécamines le site de Kipushi près de Lubumbashi, le corridor de Lobito fait figure d’aubaine.
A titre d’illustration, le cuivre de Kamoa Kakula met 50 jours pour relier Durban par camion et 40 jours pour Dar Es Salam. Une fois la liaison avec le corridor angolais pleinement opérationnelle, la durée de transport passerait à environ 20 jours, tout en s’accompagnant d’une forte réduction de l’empreinte carbone.
Selon Ivanhoé, « le corridor de Lobito sera bientôt l’une des routes commerciales les plus importantes pour le cuivre et d’autres minéraux essentiels nécessaires à la transition énergétique de notre planète ». Rien que cela!