Après la flambée générale des prix des métaux, de l’énergie ou des produits agricoles l’an dernier, la détente serait de l’ordre de 15% cette année. Mais les tensions géopolitiques pourraient encore tout chambouler.
Véritable somme annuelle sur les matières premières, le rapport Cyclope vient tout juste de sortir sous la houlette de son fondateur, l’économiste Philippe Chalmin et de son co-directeur Yves Jegourel, titulaire de la chaire d’économie des matières premières du CNAM.
Après les tensions, inédites depuis des décennies nées de la Covid, puis de la guerre en Ukraine, les marchés des matières premières reprennent leur souffle depuis quelques mois, à l’image de la plongée récente du prix du gaz, du lithium ou de celui des taux de fret. Qu’en sera-t-il pour cette année ? « L’indice Cyclope des prix des grandes matières premières mondiales (qui n’intègre pas le gaz naturel ni le fer et l’acier) devrait reculer en moyenne de 15 % en 2023 par rapport à la moyenne 2022 (-8 % si l’on exclut le pétrole et les métaux précieux)« , anticipent les auteurs. En 2022, l’Indice Cyclope global avait bondi de 26%.
La prévision pour 2023 est livrée toutefois avec précaution, tant l’incertitude domine sur l’économie mondiale marquée par l’impact géopolitique de la guerre en Ukraine ou encore par la rivalité, chaque jour davantage exacerbée, entre la Chine et les Etats-Unis.
« En termes de prix, l’heure est à la détente sur la plupart des marchés, mais il pourrait bien s’agir d’un calme entre deux tempêtes« , estime Philippe Chalmin pointant les risques agricoles nés du retour probable du phénomène climatique El Nino, la fracturation croissante du monde et le retour du protectionnisme. Sans parler des effets de la crise énergétique « la pire depuis les années soixante-dix », selon lui. Au chapitre des incertitudes de court-terme figure, par ailleurs, la vigueur de la reprise économique en Chine, qui donne toujours le « la » sur de nombreux marchés.
Plus largement, « en 2022, on a assisté à la fin définitive du concept de « mondialisation heureuse » et du cycle de libéralisation des marchés mondiaux entamé dans les années quatre-vingt-dix« , analyse Philippe Chalmin qui résume ce fait d’une formule en anglais. Désormais, c’est, lance-t-il : « The West vs the rest« . Ce phénomène de retour des blocs, ou « d’Otan Economique » se traduit concrètement, par exemple, par les sanctions occidentales contre la Russie et la réorientation massive de ses flux d’exportations de pétrole vers la Chine ou l’Inde. A l’image de l’ère soviétique se met ainsi progressivement en place une logique de « double marché » pour un nombre croissant de matières premières. De quoi, au passage, fragiliser l’accès de l’Europe à certaines ressources minérales et métaux stratégiques, notamment dans l’optique de la transition énergétique.
Signe d’une période particulièrement troublée, ce trente-septième rapport Cyclope est titré « Les Cavaliers de l’Apocalypse », en référence au chapitre VI de l’Apocalypse de Jean et les quatre cavaliers qui portent « la guerre, la famine, la peste, les bêtes sauvages » ».
Publié par les Éditions Economica, fort des contributions d’une cinquantaine de spécialistes, l’ouvrage passe en revue à travers ses 740 pages la situation des marchés des matières premières (énergie, métaux, produits agricoles…) et de certains services industriels. Il demeure une lecture de référence pour comprendre et anticiper.