Les 9 et 10 mars dernier, en collaboration avec la Direction générale des douanes et droits indirects, s’est déroulé le colloque « La douane face aux défis d’un monde en mutation » à l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Pour l’occasion,
Jean-Luc Albert, à la fois juriste, professeur à l’université d’Aix Marseille, et directeur adjoint du centre d’études fiscales et financières était présent pour prendre la parole sur l’évolution de l’activité douanière dans le monde.
Cet auteur de plusieurs ouvrages (notamment Douane et droit douanier, PUF, coll. Questions judiciaires, 2013) qui fait référence dans le domaine, a une vision de ce que l’on peut appeler la « douane du futur », l’évolution des trafics et la réponse douanière.
« La douane française a des points forts, mais aussi des points faibles. Elle s’inscrit dans le temps de notre histoire administrative et revêt une dimension régalienne particulièrement forte ; esprit de corps, identité, spécificités professionnelles sont autant de points forts qui font qu’elle n’est sans doute pas une administration comme les autres« . Pour Jean-Luc Albert les points faibles de cette organisation sont principalement causés par le manque d’informations. « Ses points faibles tiennent certainement à une méconnaissance collective de cette « petite » administration (17 000 agents) pourtant essentielle, et aux missions particulièrement diversifiées. Ce n’est pas la seule prise médiatisée de trafics divers (drogue, contrefaçon) qui peut donner une image complète de son rôle. En ce sens, sa lecture « politique » est insuffisante. «
Aujourd’hui, des mesures indispensables doivent rapidement être prises par la douane française et européenne. « Dans un premier temps le « politique » devrait asseoir clairement une doctrine nouvelle s’agissant de la douane, destinée à en conforter l’assise et les missions ; son renforcement humain et en matériel pour l’accomplissement de ses missions est une nécessité devant le développement de nouvelles questions frontalières. Depuis les années 50 le choix qui a été fait est celui de construire une « union douanière ». Celle-ci est la première compétence exclusive de la construction Européenne et, à l’époque déjà, on souhaitait ouvrir les frontières avec un commerce international ouvert et libre. Aujourd’hui le droit douanier européen et donc français se réfère à organisation mondiale des douanes qui siège à Bruxelles. On a un vrai droit international douanier ce qui fait que l’union européenne transpose à son échelon ce qui se construit pour l’essentiel au niveau international. La difficulté, c’est que sous cette unité, nous avons 27 droits douaniers nationaux, mais aussi 27 systèmes répressifs nationaux. «
Par ailleurs, de plus en plus, les douanes sont confrontées à de nombreux trafics et en particulier au développement de nouvelles formes de contrebande et de contrefaçon. La réponse douanière s’inscrit nécessairement dans le cadre d’une coopération internationale renforcée. « L’autre problème majeur sera celui du contrôle de l’origine des produits bénéficiant d’avantages tarifaires. Les questions de classification des marchandises amènent à des contentieux financièrement importants qui, pour les entreprises concernées, peuvent représenter des enjeux majeurs. Citons juste par exemple l’importation de viande de chameau australien ou encore l’ail frais chinois, transformé et requalifié en Angleterre, et pour lequel les Britanniques ont été condamnés à des millions d’euros de dette douanière. A cet égard, il n’est pas certain que le nouvel accord conclu entre l’UE et le Royaume-Uni soit porteur d’une plus grande efficience dans le respect des règles douanières. »
Vis-à-vis des droits douaniers, certains pays ont des dettes plus sévères envers l’UE. « En effet, sur les dettes douanières, les situations sont inégales avec des contentieux pouvant opposer les États membres à l’UE et reposant sur des anomalies dans les contrôles douaniers. A cet égard, le Royaume-Uni a encore été condamné l’année dernière par le CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) pour son excès de « tolérance » lors de sa période d’appartenance à l’UE à l’occasion de certaines importations. Le « laxisme » administratif de certains Etats conduit la Commission, avec l’appui de l’OLAF (Office européen de lutte antifraude), à mettre en cause certains dysfonctionnements. »
Au vu de l’évolution de l’activité douanière dans le monde, des enjeux technologiques et numériques se posent aussi pour la douane aujourd’hui. « La question majeure est d’achever le développement au niveau européen des processus dématérialisés et la coopération entre les administrations douanières (dédouanement centralisé, guichet unique…) tout en se préoccupant de la protection des données recueillies. »
Le 13 février dernier, la douane a lancé un tout premier appel à projets de recherche, pour l’aider à mieux cerner l’évolution du commerce international, des fraudes et des activités douanières. « Sur l’appel à projet, celui-ci s’inscrit dans le prolongement de la création du conseil scientifique de la douane en mai 2022. Il s’agit d’apporter des analyses et expertises nouvelles en s’appuyant sur la recherche et en particulier la recherche universitaire. A l’heure actuelle l’appel à projet a été diffusé nationalement en vue de recueillir un ensemble de propositions de laboratoires de recherche, propositions qui vont devoir être étudiées et sélectionnées ce printemps, dans le respect des règles déontologiques afférentes à ce type d’opération. »