La transition vers des énergies alternatives dans le transport routier de marchandises est un objectif crucial* mais nécessite un réseau solide de stations de ravitaillement en gaz naturel véhicules (GNV), en électricité et en hydrogène. Malheureusement dans ce domaine la France fait aujourd’hui face à un manque d’infrastructures. Encore largement insuffisant, le maillage de stations publiques dédiées au ravitaillement des poids lourds, s’étend doucement dans notre pays. Les technologies sont déjà disponibles, mais la création d’infrastructures de ravitaillement implique de lourds investissements que l’industrie, les énergéticiens ou même l’État peinent à lever.
Le premier écosystème à s’être créé est celui du GNV, avec Iveco, Renault Trucks et Scania en pionniers. Selon l’Association Française du Gaz Naturel pour Véhicules (AFGNV), la France compte actuellement 312 stations de recharge GNV opérationnelles, avec 59 projets en cours d’installation, prévus jusqu’en 2024. Des acteurs majeurs du secteur pétrolier tels que Total/AS24, Shell, Avia, ainsi que des énergéticiens comme Engie Solutions, investissent dans l’expansion de ce réseau. Ces stations permettent le ravitaillement en gaz naturel comprimé (GNC) et en gaz naturel liquéfié (GNL), offrant des alternatives plus propres aux transporteurs. Bien que le nombre de stations soit encore modeste par rapport aux stations-service de gazole, ce réseau couvre une part importante des transporteurs français qui s’intéressent aussi à la production locale de bioGNV par méthanisation qui offre une réduction de 80 % des émissions de CO2. Le bioGNV est 100 % renouvelable et offre une mobilité décarbonée car issu de déchets fermentescibles. En ville, la loi du 10 février 2020, qui oblige les entreprises produisant plus de 5 tonnes de biodéchets par an à les valoriser devrait aussi contribuer à créer du biogaz pour les flottes urbaines. Cette mesure avait déjà incité des acteurs de la grande distribution, comme Carrefour ou Lidl, à s’impliquer dans la production de bioGNV à partir de leurs déchets et de leurs invendus.
Pour la partie électrique plusieurs projets ambitieux sont en cours, avec notamment le déploiement de six stations de recharge électrique pour poids lourds par APRR et Engie sur l’axe Paris-Lyon (tous les 150 km en moyenne sur l’A6) l’année prochaine. Une joint-venture nommée Milence prévoit quant à elle la création de 1 700 points de recharge en Europe d’ici 2027. L’alliance European Clean Transport Network Alliance (ECTN), composée de CEVA Logistics, ENGIE et SANEF, prévoit également de son côté un projet pilote reliant Lille à Avignon avec cinq stations. À terme, ce réseau de distribution devrait être ouvert à tous les transporteurs et leur apportera un ravitaillement en biométhane ou en hydrogène ainsi que des bornes de recharge électrique. Des incertitudes subsistent malheureusement quant aux choix technologiques, notamment en ce qui concerne les puissances de charge et les normes de connecteurs, ce qui ralentit la mise en place des infrastructures nécessaires. C’est en tout cas le dossier du moment pour les opérateurs : la création d’un réseau de stations de recharge des camions électriques. Si l’essentiel des installations concerne l’équipement en bornes des sites privatifs des transporteurs ou des grandes zones logistiques, les stations publiques dédiées aux PL sont attendues l’année prochaine.
L’hydrogène (H2) émerge également comme une alternative prometteuse, actuellement, il existe 12 stations d’hydrogène accessibles aux poids lourds en France parmi lesquelles la station de Fos-sur-Mer Inaugurée le 26 juin dernier. Ces stations sont cruciales pour les camions utilisant des piles à combustible qui convertissent l’hydrogène en électricité pour alimenter le véhicule.
Face à la transition énergétique et aux fluctuations imprévisibles des prix des carburants pétroliers, les énergéticiens mettent en avant d’autres solutions alternatives pour les poids lourds, investissant dans de nouvelles énergies telles que le B100 à base de colza ou le HVO (Hydro-treated Vegetable Oil). La Région Grand Est, qui s’est fixé l’ambitieux cap de 2050 pour devenir un territoire à énergie positive et bas carbone vient d’éditer un guide « infrastructures de recharge et stations de ravitaillement » guide d’aide à la décision disponible gratuitement.
Les députés de l’Union européenne veulent passer à la vitesse supérieure dans la décarbonation du transport routier de marchandises. Après la décision de voir les émissions de CO2 des camions réduites de 90 % en 2040, ils ont annoncé il y a quelques mois que les Etats membres seraient contraints d’installer des stations de recharge pour camions électriques tous les 120 km sur le réseau routier. Au niveau européen, des accords provisoires ont par ailleurs été établis pour accélérer le déploiement des infrastructures de recharge pour les camions sur les routes de l’UE.
* Selon les instances européennes, en 2019, le secteur des transports était la source d’un quart des émissions totales de CO2 de l’UE. 71,7 % provenaient du transport routier, selon l’Agence européenne pour l’environnement.