L’industrie du transport de conteneurs traverse une période difficile et les prévisions ne sont pas optimistes. D’après le cabinet Drewry, l’année prochaine pourrait voir le secteur enregistrer des pertes s’élevant à 15 milliards de dollars. Simon Heaney, directeur principal de la recherche sur les conteneurs chez Drewry prévoit ainsi une réduction de 60 % cette année des taux de fret mondiaux, suivie d’une baisse de 33 % en 2024. Le phénomène pourrait même se poursuivre dans les années qui viennent.
Les chiffres observés pendant la crise du Covid (avec sur certaines routes des pics à 15.000 dollars par conteneur) sont aujourd’hui très loin et cette situation découle de plusieurs facteurs complexes, dont le principal pourrait être ainsi résumé : le secteur est pris en étau entre la livraison de nouveaux bateaux, commandés pendant l’euphorie de l’après-Covid et le ralentissement actuel du commerce mondial.
Première raison donc de cette période difficile, le ralentissement du commerce généralisé qui concerne un grand nombre de pays et un large éventail de produits. La hausse anormale de la demande en 2020-2021 a provoqué une contraction ultérieure des dépenses de consommation.
Ensuite M. Heaney explique que de nombreux transporteurs renouvellent leur flotte pour s’aligner sur les réglementations environnementales, mais qu’ils « ne se débarrassent pas des plus anciens assez rapidement. Cette année, en termes de capacité, les démolitions sont estimées à environ 115.000 conteneurs. Or, en face, avec les nouveaux navires mis à l’eau, c’est une capacité supplémentaire de 600.000 conteneurs qui va arriver l’an prochain ». De quoi faire resurgir le spectre de la crise des surcapacités de 2008, mal endémique du transport maritime shipping, qui avait mis tout le secteur à terre : trop de bateaux et pas assez de marchandises. Un phénomène qui pourrait peser sur le profit des compagnies, à minima jusque dans le courant de 2024.
Enfin, les grandes compagnies de transport maritime restent à la merci de risques macroéconomiques et géopolitiques qu’elles ne maîtrisent pas comme la remontée des taux d’intérêt, la consommation des ménages, les guerres… Certes, ces grandes compagnies ont déjà prévu les mouvements de relocalisations industrielles qui commence à réduire les volumes des biens transportés sur longue distance au profit de voyages plus courts, mais elles suppriment aussi certaines escales (Fin 2022, on estimait ces suppressions à 10 % qui permettent aux armateurs de faire des économies de frais portuaires et de carburant) et, surtout, beaucoup d’entre elles comptent maintenant sur leur diversification dans la logistique (entrepôts, camions…) et l’intégration verticale, pour amortir le choc. « Ce n’est pas un hasard si Maersk, qui annonce un recul de près de 9 milliards de dollars de son chiffre d’affaires par rapport à l’an dernier, ne se présente plus comme un armateur, mais comme un intégrateur logistique global ».