Au-delà des habituelles vagues de la conjoncture, le secteur du transport maritime par conteneur va traverser une période de temps durablement agitée dans le domaine de la décarbonation. C’est ce qui résulte de l’étude annuelle sur le secteur du consultant new-yorkais Alixpartners (Container Shipping Outlook 2024), titrée cette année « Un appétit pour la disruption ». Le secteur maritime est, on le sait, engagé dans une lente course de fonds vers le net zéro, un objectif récemment fixé « autour » de 2050, par l’IMO (International Maritime Organisation). Selon Alixpartners, cette cible à long terme reste atteignable si, dans un premier temps, 5% à 17 % de la flotte est convertie d’ici 2030 à des carburants à zéro émission. (ammoniac, hydrogène, gaz naturel avec capture et stockage…), puis 84 % à 93 % d’ici à 2050.
Cette transformation aura toutefois un coût. Celui-ci pourrait atteindre jusqu’à 1400 milliards de dollars d’investissements cumulés. Le « fardeau [sera supporté] à la fois par les transporteurs et les fournisseurs d’énergie et, en fin de compte, par les chargeurs et utilisateurs finaux, » note le consultant. Alix Partner estime, par ailleurs, dans son document, que les émissions de CO2 du transport maritime par conteneurs ont atteint 230 millions de tonnes en 2023 (sur un total d’environ un milliard de tonnes pour le transport maritime). Loin de décliner, ces émissions ont, en fait, continué de croître… et éloignent donc le secteur d’une réduction de 20% de ses émissions d’ici à 2030. Fixé par l’IMO, cet objectif a été repris par l’Union européenne qui a partiellement intégré depuis janvier 2024 le maritime dans son système de quotas d’émissions, quel que soit le pavillon de bateaux navigants dans ses eaux.En attendant, à court terme, les émissions du shipping par conteneur vont encore augmenter fortement en 2024, pointe Alixpartners. Cela est le résultat de la croissance du trafic (+3,7% cette année, selon le consultant Clarksons) mais aussi des désordres géopolitiques. Le détournement des routes maritimes empruntant la mer Rouge et le canal de Suez, du fait des troubles sécuritaires (rebelles Houthis), génère un accroissement des parcours de 30% en moyenne, selon Alix Partner.
Pour autant, la transformation du secteur est bel et bien lancée. À titre d’illustration, Maersk, qui s’est fixé un objectif de zéro émission nette pour 2040, a annoncé début 2023 avoir commandé six nouveaux porte-conteneurs bi-carburant pouvant être propulsés au méthanol vert. Construits par Hyundai Heavy Industries, ces navires auront une capacité de 17 000 EVP et remplaceront certaines capacités existantes de la flotte Maersk. Cette commande livrable en 2025 porte à 19 le nombre de navires commandés par Maersk équipés de moteurs bi-carburant, y compris le Laura Maersk lancé l’an dernier (photo). Une fois en activité, l’ensemble de ces bateaux « verts » doivent générer une économie d’émissions de CO2 d’environ 2,3 millions de tonnes par an, estime Maersk. Selon l’armateur danois, le coût d’investissement dans ces navires est 8 à 12 % supérieur aux navires conventionnels, mais ce différentiel de prix tend à se réduire. De son côté, CMA CGM a indiqué l’an dernier avoir en commande 24 navires au méthanol, notamment chez Cosco en Corée du Sud et Dalian Shipbuilding Industry Changxingdao Shipyard en Chine.