L’agence publique britannique de garanties et de crédit export vient de publier sa stratégie à cinq ans. Elle entend mettre davantage l’accent sur les PME et la finance verte et surtout, doper les exportations du Royaume-Uni, notamment vers les pays émergents.
Avec la bénédiction du gouvernement, l’agence publique de financement, d’assurance et de garantie à l’export du Royaume-Uni vient tout juste de publier son plan d’affaires pour la période 2024-2029. Dévoilé le 30 avril dernier, il est présenté comme un « virage » par les pouvoirs publics.
Selon le directeur général de l’agence, Tim Reid (photo), « notre monde a été confronté à une série de crises qui ont bouleversé les normes et conduit à un réalignement mondial (…). La pandémie, la guerre en Ukraine, l’inflation persistante et les effets du changement climatique ont tous des impacts marqués (…) au Royaume-Uni [et] dans le monde entier. Dans ce contexte, l’UKEF jouera un rôle clé dans le développement de la base commerciale du Royaume-Uni, en soutenant une plus grande valeur et un plus grand volume d’exportations tout au long de cette période« .
Le plan s’articule autour de cinq priorités, dont certaines chiffrées. Au premier chef, figure évidemment le développement des exportations. Avec ses offres de garanties et de financements, UKEF entend permettre aux entreprises britanniques de remporter plus de 12,5 milliards de livres (15 milliards d’euros) de contrats d’exportation d’ici à 2029. Pour cela, elle veut, sur la même période, déployer notamment 5 milliards de livres de crédits export. Ceci, par exemple, à l’image du soutien financier via un prêt de 380 millions de livres, apporté au parc éolien offshore Hai Long (1 GW), à Taiwan. Ce financement a été attribué par UKEF aux développeurs, le japonais Mitsui et le canadien Northland Power, en novembre 2023 en échange de 130 millions de livres d’achats de biens et de services au Royaume-Uni.
Comptant environ 520 salariés, UKEF a connu un changement de direction l’an dernier avec l’arrivée le 1er janvier 2023 de Tim Reid, un expert de la finance qui a fait l’essentiel de sa carrière chez HSBC. En présentant ce plan, celui-ci a indiqué : « nous visons (…) à faire progresser la prospérité [du pays] en garantissant qu’aucune exportation viable du Royaume-Uni n’échoue faute de financement ou d’assurance, et ce, de manière durable et sans coût net pour le contribuable ».
Géré comme une société privée, l’agence demeure un département ministériel public. Supervisée par le Trésor, elle dépend du secrétariat d’État aux Affaires et au Commerce, un ministère dont le titulaire en titre est Kemi Badenoch.
Le second point fort du nouveau plan stratégique 2024-2029 se rapporte à l’appui aux PME. Souvent accusée de soutenir surtout les grandes entreprises (Rolls-Royce, Airbus…), UKEF entend renverser la vapeur et renforcer son empreinte auprès des exportateurs de taille plus modeste et même quintupler son action en la matière. UKEF se fixe donc un objectif quantitatif de 1 000 PME soutenues par an, avant 2029. A titre de comparaison, lors de son exercice comptable 2023-24 (avril à mars), l’agence a seulement appuyé 210 PME. Pour toucher plus les PME, UKEF entend renforcer ses liens avec son ministère de tutelle, ainsi qu’avec la banque publique de développement British Business Bank plc (comparable à Bpifrance) et les chambres de commerce régionales.
Selon le texte du plan de UKEF : « l’appétit pour le risque commercial des prêteurs privés reste le principal obstacle au soutien d’un plus grand nombre de PME. Nous travaillerons avec nos partenaires bancaires et institutionnels financiers pour développer des approches qui permettront à UKEF d’améliorer la notoriété de son offre et de fournir des solutions plus simples et plus flexibles aux PME à travers le Royaume-Uni« .
Le troisième objectif du plan se rapporte également à la typologie des entreprises, mais géographique cette fois. UKEF veut déployer son action plus largement sur l’ensemble du territoire du Royaume-Uni, au-delà de la seule région londonienne où se concentre une bonne part de son action auprès des exportateurs. L’objectif fixé est qu’au moins 80 % des entreprises soutenues soient basées en dehors du Grand Londres. UKEF veut, de plus, mesurer le nombre d’exportateurs mal desservis par ses services en établissant un état des lieux pour ensuite amplifier son action auprès de ce type d’entreprises. En matière de procédures, l’agence entend en particulier développer ses systèmes de traitement des demandes en ligne pour faciliter l’accès des exportateurs à ses services et assurer des délais de réponse plus rapides.
Le quatrième point clé tient à l’orientation de UKEF en matière de financements verts. L’agence a récemment publié sa stratégie « climat « , alignée sur un objectif net zéro en 2050 et qui comprend des objectifs intermédiaires de décarbonation de son portefeuille dans les secteurs du pétrole et du gaz (2030), de l’électricité (2030) ou de l’aviation (2035). Membre fondatrice de l’alliance « climat » des agences de garanties (Net Zero Export Credit Agencies Alliance) lancée lors de la COP 26 de Glasgow fin 2021, UKEF a cessé depuis mars 2021 de financer les projets énergétiques fossiles qui représentaient environ 20% de son portefeuille en 2019. Une part croissante des interventions de l’agence britannique va s’orienter en sens inverse vers les financements de projets ou d’exportations à impact positif sur le climat et autres technologies vertes pour « placer les exportateurs et fournisseurs britanniques au cœur de la transition mondiale à faible émission de carbone« , selon le plan. Plus précisément, UKEF se fixe l’objectif chiffré de délivrer 10 milliards de livres de financements verts et de garanties d’ici à 2029.
Le cinquième et dernier point du plan de UKEF tient à une orientation accrue vers les marchés émergents en privilégiant les financements à impact (infrastructures durables, système de santé, modernisation de l’économie…). L’agence va accroître son appui aux exportateurs et investisseurs ciblant des pays à revenu faible et intermédiaire, où les crédits export et autres financements commerciaux sont coûteux ou difficiles à obtenir. Son objectif stratégique est de déployer 10 milliards de livres d’instruments de financement (prêts ou garanties) en cinq ans vers ces pays à revenu bas ou moyen
Enfin, en cette période de relations commerciales internationales particulièrement agitées, l’agence entend renforcer ses capacités internes dans l’appréciation des risques, quels qu’ils soient : politiques, économiques, technologiques, RSE… sans parler de la fraude ou de la criminalité financière.
UKEF, historiquement la première agence gouvernementale de crédit export au monde, a été créée en 1919 pour relancer les exportations britanniques après la Première Guerre mondiale. En 1991, l’activité d’assurance-crédit a été privatisée et cédée au néerlandais NCM (Atradius aujourd’hui) divisant par quatre la taille de l’Export Credits Guarantee Department, nom officiel de UKEF. Pour son exercice 2022-23, UKEF a fourni 6,5 milliards de livres sterling de garanties et de financements soutenant directement 545 entreprises. Le 3 avril 2023, dans le cadre de mesures de soutien à l’économie britannique, le gouvernement de Rishi Sunak avait accordé une capacité d’engagement supplémentaire de 10 milliards de livres à UKEF pour stimuler les exportations du pays, faisant passer sa limite d’exposition maximale à 60 milliards de livres sterling.