Dans cette période pré-estivale où l’on attend une annonce de mesures fortes du gouvernement français pour redresser la balance du commerce extérieur, la Fabrique de l’Exportation et l’ESCE ont édité un rapport instructif sur l’exportation française qui fait une analyse 360 des échanges économique en France
La France a été le seul pays parmi les 5 grands pays européens (Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni), à accuser un déficit de sa balance agrégée des biens et services depuis 2005.
Le poids de notre pays dans le total des exportations de biens de ce groupe de cinq pays a baissé de 24 à 19% sur les 15 dernières années. Cette perte est particulièrement observable sur le marché européen où la part de la France est passée de 14 à 10%. Les exportations françaises dans le domaine manufacturier se concentrent sur des domaines spécifiques. La France semble donc se spécialiser dans un nombre limité de produits ce qui bénéficie à des entreprises de grandes tailles ou à des grosses ETI qui représentent aujourd’hui 85% des exportations françaises.
Deux faits marquants dans le commerce extérieur français, sont à noter pour les auteurs du rapport, les échanges commerciaux de services qui prennent une place de plus en plus grande dans l’exportation française et les implantations d’entreprises à l’étranger (IDE) qui se sont fortement multipliés.
Les services en tête de file
Du côté des échanges commerciaux, ils ont été multipliés par 3 en 20 ans, et au sein de ces échanges, la valeur des exportations de services a atteint la moitié de celle des biens depuis 2016. D’autant que la Valeur Ajoutée des services vendus est bien supérieure, à celle des biens ce qui contribue fortement à la richesse nationale. Les services représentent désormais 40% de la valeur ajoutée exportée par le pays, alors qu’ils ne constituent que 34% de ses exportations en valeur.
L’implantation à l’étranger est la forme de développement préféré des entreprises françaises
La croissance des implantations françaises à l’étranger a connu une croissance spectaculaire sur les 20 dernières années en étant multipliées : hausse du nombre de filiales de 50% pour atteindre 49 280, hausse du chiffre d’affaires global de 42% pour atteindre 1 785,82 milliards d’€, et hausse des effectifs de 2,06 millions pour atteindre 6,98 millions d’employés.
La France a le parc d’activités le plus important en nombre de filiales et d’emplois à l’étranger comparativement à l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie. Sur le critère du chiffre d’affaires réalisé à l’étranger, seule l’Allemagne fait mieux avec un chiffre d’affaires qui est 44% plus élevé que celui des filiales françaises à l’étranger, ceci étant lié à l’importance de ses implantations dans la distribution/réparations qui tendent à générer beaucoup de chiffres d’affaires par employé.
Prendre en compte le Chiffre d’Affaires des filiales des entreprises françaises change l’analyse du commerce extérieur
L’étude réalisée par la Fabrique de l’exportation montre pour la première fois, l’importance de prendre en compte les ventes des filiales étrangères des entreprises françaises pour évaluer leur part du marché mondial. En effet, l’activité des implantations à l’étranger des entreprises françaises représente plus de 1700 Mrds d’€ de chiffre d’affaires en 2019 ce qui en fait un pilier essentiel de l’économie française, aux côtés de l’exportation (759 Mrds d’€ de chiffre d’affaires). Ces ordres de grandeur montrent qu’une évaluation complète de la part de marché des entreprises françaises doit dépasser le simple périmètre de l’exportation de biens et services (part du Made in France) pour inclure également les ventes des filiales à l’étranger. On obtient alors un indicateur appelé « part de marché élargie » ou « part du Made by France ».
Pénurie de main d’œuvre = perte de compétitivité
Enfin cette étude, comme de nombreux spécialistes, pense qu’il faut regarder le problème plus globalement. La non-compétitivité de l’économie tient aussi dans la pénurie de main d’œuvre spécialisée dans des secteurs où il est plus facile d’importer que de trouver des collaborateurs.
Le modèle choisi par les industriels français d’implantation à l’étranger plutôt que d’exportation est encore plus valable dans les services ou dans les pays éloignés. La proximité est un facteur de compétitivité. Peut-être est-ce aussi une façon d’échapper aux contraintes françaises notamment de pression fiscale et sociale en diversifiant les risques.
Conséquences à court terme
D’après l’étude une spécialisation industrielle entre pays pourrait être en cours au sein de l’espace européen et elle procurerait à la France une spécialisation dans les services ; cette spécialisation ne serait pas le résultat d’un désinvestissement dans l’activité manufacturière, mais reposerait sur de véritables avantages compétitifs dans les services.
Si la tendance à la spécialisation dans les services ne va probablement pas s’inverser à court ou moyen terme, des actions de fonds de réindustrialisation vont sans doute avoir des conséquences à moyen terme sur l’exportation.
L’inquiétant dans l’étude est la mise en exergue que l’impact de mesures pour le commerce extérieur sur les PME françaises, n’aura pas, à court terme d’effet sur les chiffres de l’exportation française, mais plus un effet sur la pérennité et la stabilité de notre tissu industriel. C’est politiquement invisible, mais nécessaire à moyen terme. Un véritable dilemme pour un politique.