La succession de réformes gouvernementales conjuguée à la crise du secteur du transport incite de plus en plus les entreprises européennes à commercer avec l’Ukraine. Le pays en pleine croissance depuis 2014 attire de plus en plus.
Depuis la destitution du président Victor Ianoukovitch en février 2014 à la suite de manifestations contre les dérives autoritaires du pouvoir, l’Ukraine a pris le virage de la mondialisation. La signature en 2016 de l’Accord de libre-échange avec l’Union Européenne, est venue concrétiser son ouverture vers l’Occident. Entre 2016 et 2020, le PIB ukrainien n’a cessé de progresser, traduction d’une croissance soutenue et de l’attrait des investisseurs étrangers pour le pays. L’investissement, lui, était en hausse de 15,5% en 2019.
Par rapport aux grandes puissances, l’économie ukrainienne reste modeste même si, pour Dmytro Kushnir, directeur associé d’Experto Consulting Ukraine, « sa force est de savoir résister aux crises successives, sans aides gouvernementales ou presque ». L’agriculture représente 10% du PIB ukrainien, un secteur pilier dans lequel œuvre 15% de la population active du pays. Mais progressivement des marchés émergent notamment car le pays se modernise.
L’ouverture de l’Ukraine vers l’Union Européenne, gage d’une modernisation
Jusqu’en 2014, les exportations ukrainiennes sont essentiellement tournées vers les anciens pays de l’URSS. Mais un changement de paradigme s’établit avec l’Accord de libre-échange de 2016. Ce dernier accélère le processus de modernisation et les entreprises ukrainiennes s’équipent afin d’être compétitives sur le marché européen. Les secteurs des équipements agricoles et médicaux sont des marchés porteurs. Le domaine des biens de consommation est également en forte croissance. « Entre 2021 et 2022, neuf centres commerciaux vont ouvrir à Kyiv, ce qui représente près de 267 000m² de surface commerciale. Et l’opération se répète dans la grande distribution. » indique Stephan Montalbano, associé et directeur d’Experto Consulting France.
Le secteur des nouvelles technologies est également en plein boom. Selon la Global Sourcing Association, l’Ukraine compterait plus de 200 000 professionnels de l’informatique hautement qualifiés, ce qui en fait un véritable hub européen des services informatiques.
Eyguebelle, exporte ses boissons rafraichissantes et liqueurs en Ukraine depuis 2020. Le pays commerce de plus en plus avec les sociétés spécialistes des produits gourmets, des vins & spiritueux. Même si l’Ukraine est un producteur important de vin, ses importations ont augmenté de 21% en valeur sur les dix premiers mois de cette année. Une croissance qui s’explique par la suppression des droits de douane en janvier 2021 sur les vins.
Frédéric Fichet, Directeur Général d’Eyguebelle commente : « L’Ukraine va à une vitesse de développement et de croissance très importante depuis 2014. Il y a un fort potentiel. L’accueil reçu, la bienveillance et le professionnalisme
des acteurs sur place ont été importants. Même si le côté administratif était un peu compliqué lorsque tout est contractualisé, le business se fait assez facilement. »
Les relations commerciales avec la France encore timides
Alors que la Pologne, l’Allemagne ou les Pays-Bas sont déjà très présents dans le pays de l’Europe orientale, la France quant à elle, souffre d’une ignorance réciproque. « L’Ukraine est un pays méconnu en France et la France est un pays méconnu par l’Ukraine en termes de business » regrette Dmytro Kushnir.
Pourtant, l’Ukraine a de quoi séduire et pourrait constituer une alternative aux importations asiatiques. Sa proximité géographique avec l’Union Européenne en fait une destination de choix. D’abord parce que les délais sont courts – compter 4 à 6 jours pour un camion ukrainien pour arriver au point de dédouanement en France. Ensuite parce que « l’Ukraine est un pays de proche-import ce qui réduit les coûts de transport par rapport aux importations chinoises » confie Stephan Montalbano. Et l’Ukraine officie déjà comme un pays de sous-traitance pour la France dans les secteurs agro-agri, de l’industrie du bois et du textile. « Dans la filière du textile, les marques françaises sont intéressées de travailler avec l’Ukraine car il est possible de commander un volume bas, ce qui n’est pas le cas avec la Chine. Elles ont leurs commandes rapidement et pour un coût du transport faible. » Mais l’Ukraine attire aussi parce que la main d’œuvre est qualifiée et à coût abordable.
La proximité logistique de l’Ukraine avec l’Union Européenne devient d’autant plus prégnante, au regard de l’augmentation du coût du transport et de la crise du secteur.
Miser sur l’exportation de produits finis, le prochain défi ukrainien
Longtemps exportatrice de matières premières et de vrac, l’Ukraine se tourne désormais vers la transformation. « C’est la grande question aujourd’hui : comment faire pour que les produits exportés soient de plus en plus des produits finis ? » interroge Dmytro Kushnir.
En ce sens, le gouvernement ukrainien a impulsé des réformes depuis quelques années, cherchant à faciliter l’implantation d’entreprises étrangères. Il a notamment œuvré en faveur de l’allègement administratif et instauré un statut d’autoentrepreneur attractif. « Si on veut construire une entreprise de services en Ukraine, cela prend une journée. Beaucoup de choses ont été facilitées. Les auto-entrepreneurs sont libres dans le choix de leurs activités et la fiscalité est favorable pour lancer des PME » défend Dmytro Kushnir. Les banques et autres organismes d’Etat accompagnent les entreprises ukrainiennes et étrangères dans leur mise en route. Par exemple, Export Promotion Office, est un organisme dédié au soutien des exportations ukrainiennes et les petits investisseurs. « Il reste encore du travail à faire mais beaucoup de choses ont été mises en place depuis cinq ans, on est sur la bonne voie. » se réjouit Dmytro Kushnir
Collaborer avec les bons partenaires sur place
Depuis une dizaine d’années, Experto Consulting accompagne une vingtaine d’entreprises par an sur le marché ukrainien à l’exportation, à s’implanter ou à sourcer. L’accompagnement se fait de l’amont (études de marché, prospection…) vers l’aval (suivi commercial, représentation) et jusqu’à la création de filiales sur place, à l’implantation commerciale ou industrielle.
« L’intérêt d’avoir quelqu’un sur place pour nous accompagner permet de mieux appréhender le marché, comprendre le mapping de la distribution et trouver les bons acteurs » répond Frédéric Fichet, exportateur en Ukraine.
Reste aux entreprises européennes – et françaises particulièrement – d’apprendre à travailler avec l’Ukraine. Un travail de formation à l’export est nécessaire pour que les sociétés situées aux extrémités du continent européen, apprennent à travailler ensemble.
La crise sanitaire a révélé les incohérences d’un système de globalisation poussé à l’extrême. Travailler avec des pays de proche-import est un des grands enjeux du commerce international, reste à l’Ukraine de se positionner pour bénéficier de cette redistribution des cartes.