C’était la deuxième réunion annuelle des dirigeants chinois et européens en près de deux ans. Le président chinois Xi Jinping et son premier ministre Li Keqiang ont rencontré le 1er avril dernier par liaison vidéo, le président du Conseil européen, Charles Michel, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Après plus d’un an de relations distendues et dégradées, les dirigeants des deux parties ont procédé à un échange de vues complet sur les relations sino-européennes, la coopération dans divers domaines et sur les questions internationales. La rencontre a été qualifiée de franche, approfondie et ouverte.
Ce 23e sommet UE-Chine, le premier depuis juin 2020, qui intervenait cinq semaines après l’invasion de l’Ukraine, a évidemment été dominé par le besoin de paix. La Chine et l’UE, toutes deux favorables au dialogue, se sont engagées à préserver la paix. Les deux parties doivent résister conjointement au retour d’une mentalité d’affrontement de camps, s’opposer conjointement à la création d’une « nouvelle Guerre froide » pour maintenir conjointement la paix et la stabilité mondiales. Les Européens ont donc “rappelé à leurs interlocuteurs chinois quelques principes auxquels ils semblent attachés : non-ingérence, souveraineté territoriale notamment” et souligné le risque réputationnel que prendrait Pékin à soutenir verbalement, militairement ou économiquement, son voisin russe.
La position chinoise toujours ambiguë dans le conflit russo-ukrainien laisse présager d’une intensification des tensions entre les deux puissances, restreignant encore le champ des coopérations nouvelles possibles, néanmoins certains domaines d’intérêt commun devraient continuer à faire l’objet d’un travail bilatéral, au bénéfice de tous.
Les relations commerciales :
Le volume des échanges de biens et services entre la Chine et l’UE a dépassé 800 milliards de dollars, un niveau record. La Chine reste le plus grand partenaire commercial de l’UE et le nombre de trains de marchandises entre la Chine et l’Europe s’élève à 1 000 par mois, 10 000 par an, soit une augmentation de 22 % sur un an. Les investissements bilatéraux entre la Chine et l’UE ont dépassé 270 milliards de dollars américains. Selon une enquête de la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine, 60 % des entreprises interrogées prévoient d’étendre leurs activités en Chine, et les bénéfices de près de la moitié des entreprises interrogées en Chine sont supérieurs à ceux de la moyenne mondiale. L’UE est le premier partenaire commercial de la Chine, à l’import comme à l’export. Certes, la Chine pénalisée par une consommation interne en baisse ne veut pas voir l’Europe, première puissance commerciale mondiale, se fermer à elle, mais les tensions semblent se multiplier.
Les dirigeants de l’UE ont fait part de leur préoccupation quant à l’augmentation des menaces en matière de cybersécurité et ont appelé à un comportement responsable des États dans le cyberespace. Le 18 février dernier, l’UE portait plainte devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre la Chine en raison de l’amende quotidienne de 150.000 euros, jugée illégale par l’Union, imposée aux entreprises européennes souhaitant porter plainte hors de Chine pour vol de technologie. Ils ont également fait part de leur déception face aux sanctions injustifiées de la Chine, y compris à l’encontre de députés au Parlement européen, et à ses mesures coercitives contre le marché unique et des États membres de l’UE. Ils ont rappelé les tensions existantes autour de la ratification d’un accord d’investissements signé fin 2020 entre l’UE et la Chine “aujourd’hui gelée pour punir le recours au travail forcé dans la région chinoise du Xinjiang et les contre-sanctions de Pékin contre des parlementaires et chercheurs européens”. S’ajoute à ces dossiers le conflit dû au blocage par la Chine des importations de Lituanie après l’ouverture d’une représentation taïwanaise dans ce pays.
Les dirigeants de l’UE ont donc appelé la Chine à stopper ces actions en faveur d’un dialogue plus productif qui profiterait aux deux parties. Celles-ci ont donné mandat pour que soient trouvés avant l’été, dans le cadre d’un dialogue commercial et économique à haut niveau, des moyens concrets de progresser sur ces questions.
La coopération médicale:
La relance à la suite de la pandémie de COVID-19 reste une priorité commune. Les dirigeants de l’UE et de la Chine ont discuté de la coopération en ce qui concerne la campagne de vaccination et la réouverture de l’économie. L’UE a confirmé qu’elle était déterminée à œuvrer avec la Chine et d’autres États membres de l’Organisation mondiale de la santé à un nouvel accord sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies.
La coopération en matière de changement climatique et de transition énergétique:
Alors que l’UE vise la neutralité carbone pour 2050, la Chine a annoncé qu’elle l’atteindrait en 2060, de quoi créer de nouvelles synergies sino-européennes en la matière. L’UE a également souligné l’importance qu’il y avait à prendre des mesures supplémentaires, y compris en ce qui concerne l’élimination progressive du charbon, dans la perspective de la COP 27 qui se tiendra à Charm el-Cheikh mais aussi pour garantir un nouveau cadre mondial solide et ambitieux en matière de biodiversité lors de la COP 15 biodiversité qui se tiendra à Kunming. Là aussi il est prévu qu’un dialogue à un haut niveau sur l’environnement et le climat puisse se réunir dans le courant de l’année.
Droits de l’homme et affaires étrangères
L’UE a réitéré ses préoccupations concernant la situation en matière de droits de l’homme en Chine, notamment le traitement des personnes appartenant à des minorités et des défenseurs des droits de l’homme, en citant des cas particuliers. Les dirigeants de l’UE et de la Chine ont également abordé la situation en Afghanistan, au Myanmar/en Birmanie et ont fait part de leurs inquiétudes face à l’intensification des tensions entre les deux rives du détroit de Taïwan. L’UE attend la reprise d’un dialogue de fond pour répondre à ces préoccupations.
Ce 23e sommet UE-Chine ne devait pas aboutir à de nouveaux accords ou partenariats concrets, mais faire passer des messages”, cela semble avoir été le cas.