Alerte sur les matières premières critiques! Devant les multiples risques de disruption des chaînes mondiales d’approvisionnement, l’Union européenne entend renforcer son arsenal réglementaire et ses partenariats internationaux.
Sur ce sujet, les institutions européennes sont souvent taxées de naïveté dans la grande compétition mondiale pour les ressources extractives. Mais cette période est révolue, selon Thierry Breton, commissaire au marché intérieur. Celui-ci a présenté avec plusieurs autres commissaires, le 16 mars à Bruxelles, les projets de la Commission pour un nouveau règlement. Dénommé « Critical Raw Materials Act », celui-ci viendra compléter de nombreuses dispositions déjà prises sur le sujet par l’Union depuis une dizaine d’années. Ce règlement doit être examiné et approuvé ces prochains mois par le Parlement et le Conseil avant son adoption et son entrée en vigueur.
La nouvelle législation remettra à jour la liste (déjà existante) des matières premières stratégiques. De l’antimoine au lithium en passant par le cobalt ou le néodyme, elle dresse aussi une liste de métaux et minéraux essentiels pour « les ambitions écologiques et numériques de l’Europe, ainsi que pour les applications spatiales et de défense, mais dont l’approvisionnement futur n’est pas sûr ».
La Commission se propose aussi de surveiller de manière continue les risques de perturbations sur les approvisionnements.
Le texte « fixe des valeurs de référence claires en ce qui concerne les capacités intérieures tout au long de la chaîne d’approvisionnement (…) pour diversifier l’approvisionnement de l’Union européenne à l’horizon 2030 :
Par ailleurs des objectifs chiffrés seront établis. « L’extraction dans l’Union doit permettre de produire au moins 10 % de sa consommation annuelle ; la transformation opérée dans l’Union doit permettre de produire au moins 40 % de sa consommation annuelle, le recyclage effectué dans l’Union doit permettre de produire au moins 15 % de sa consommation annuelle ».
De plus, pour limiter les risques, « pas plus de 65 % de la consommation annuelle de l’Union de chaque matière première stratégique à n’importe quel stade de transformation pertinent ne doit provenir d’un seul pays tiers », selon la Commission.
Les grandes entreprises devront, par ailleurs, réaliser un audit de leurs chaînes d’approvisionnement, comportant un test de résistance.
Côté recyclage, les 27 devront mettre en œuvre des mesures visant à améliorer la collecte des déchets riches en matières premières critiques et à garantir leur recyclage.
A noter que pour stimuler l’investissement industriel sur le sol des 27, la Commission veut mettre en place un dispositif ad hoc. Pour les projets industriels entrant dans ce nouveau cadre, il est prévu une procédure administrative d’autorisation simplifiée. Les délais d’autorisation seront raccourcis à 24 mois maximum pour les permis d’extraction et à 12 mois pour les permis de traitement et de recyclage. De plus, les projets industriels stratégiques sélectionnés bénéficieront d’un soutien particulier pour l’accès au financement. Les États Membres devront également élaborer des programmes nationaux d’exploration des ressources géologiques.
Au plan des relations internationales, la Commission entend s’appuyer sur la stratégie «Global Gateway» (inspirée des Routes de la soie chinoises) pour développer des partenariats en matière d’extraction et de traitement.
Préfiguration de cette stratégie, Thierry Breton et Jutta Urpilainen, commissaire en charge des partenariats internationaux et du marché intérieur, se sont, pour rappel, rendus en RD Congo le 4 mars en marge du déplacement d’Emmanuel Macron dans ce pays. Les deux commissaires européens ont rencontré le président Félix Tshisekedi en vue d’établir un « partenariat stratégique » sur les chaînes de valeur des minéraux critiques entre l’Union européenne et la RD Congo.
Mais dans ce pays comme ailleurs, face à la Chine ou aux Etats-Unis notamment, l’Europe n’est certainement pas la première arrivée à la table des discussions…