Après près d’une décennie de débats et argumentations entre Etats membres et Commission, l’Union européenne vient de se doter d’un instrument juridique permettant de réclamer la réciprocité sur l’ouverture des marchés publics de ses partenaires commerciaux.
Adopté à une très large majorité (590 voix sur 705) au Parlement européen mi-décembre 2021, le projet de texte a, depuis, fait l’objet de derniers ajustements avant d’être approuvé dans une version jointe Parlement-Conseil, le 17 juin par le Conseil, sous présidence français (le texte final est co-signé Franck Riester). Le rapporteur du texte est l’eurodéputé allemand Daniel Caspary (PPE), un symbole car ce projet a, longtemps, divisé la France et l’Allemagne.
Dénommé couramment IMPI pour « Instrument relatif aux marchés publics internationaux », ce règlement 2022/1031 a été publié le 30 juin dernier au Journal officiel de l’Union européenne et sera applicable 60 jours plus tard.
L’IMPI n’est, toutefois, pas d’application automatique. La Commission doit s’autosaisir ou être alertée par un Etat membre ou une entreprise européenne. Selon le règlement, la Commission devra instaurer un système de déclaration en ligne pour le dépôt des plaintes.
Le règlement permet aux services de la Commission de négocier avec un État tiers l’ouverture de ses marchés publics aux entreprises européennes. Dans le cas où la négociation échoue, la Commission pourra prendre une mesure de réciprocité et donc fermer l’accès aux entreprises du pays en cause aux marchés publics européens. Le texte prévoit ainsi « la possibilité pour la Commission d’imposer des mesures relevant de l’IMPI, en lien avec de telles mesures ou pratiques de pays tiers, afin de limiter l’accès des opérateurs économiques, biens ou services de pays tiers aux procédures de passation de marchés publics de l’Union ».
Au-delà de l’instrument juridique lui-même, la question, désormais, est de savoir dans quelle mesure les Etats membres et les entreprises européennes vont se saisir de cet outil. Si les marchés publics européens sont ouverts à 90%, ce n’est pas le cas chez nos grands partenaires commerciaux. En Chine ou en Inde, ceux-ci restent très largement fermés aux entreprises européennes. D’autres pays comme le Canada ou les Etats-Unis, bien que signataires de l’Accord sur les marchés publics de l’OMC (qui comprend 20 parties dans le monde dont l’UE) conservent, dans les faits, des pratiques discriminatoires, notamment au niveau sub-national (états fédérés, provinces, villes…).
A noter que le dispositif IMPI ne peut être déclenché que pour les marchés supérieurs, hors TVA, à 15 millions d’euros pour les travaux et les concessions et 5 millions d’euros pour les biens et services. Par ailleurs, le règlement ne s’applique pas, sauf exception, aux pays les moins avancés. Enfin, il est prévu une clause de réexamen du règlement au plus tard le 30 août 2027.