Réunis lors d’un Conseil européen extraordinaire, le 9 février (en grande partie consacré à l’Ukraine) les chefs d’Etat et de gouvernement sont tombés d’accord pour poursuivre les travaux sur le Pacte industrie Vert.
Intitulé de façon optimiste, « A Green Deal Industrial Plan for the Net-Zero Age« , le projet de la Commission a été présenté précédemment par Ursula Von der Leyen (photo), le 1er février à Bruxelles. Sur cette base des discussions approfondies avec le Conseil et le Parlement vont s’engager selon un processus qui promet d’être long et de s’étaler au moins jusqu’à fin 2023.
Concernant un économie « net zéro », objectif que s’est fixé légalement l’Europe pour 2050, « le commerce et la concurrence doivent être équitables. Les initiatives de certains de nos partenaires peuvent avoir des effets collatéraux indésirables sur nos propres industries nettes zéro », plaide la Commission.
Plus explicitement, le risque systémique est celui d’une déindustrialisation massive du bloc européen au profit notamment des Etats-Unis qui ont amorcé leur grand retour dans l’industrie, les entreprises s’étant massivement saisies des avantages de l’IRA. Outre les subventions vertes, l’économie américaine bénéficie, de plus, d’un prix du gaz naturel 3 à 4 fois inférieur à celui de l’Europe. Sans même parler d’industries émergentes en Europe comme celle des batteries, l’ensemble du secteur automobile européen, notamment, est désormais menacé par le programme que Joe Biden est parvenu à faire adopter l’an dernier par le Congrès et a été promulgué le 16 août 2022.
A l’inverse de l’IRA américain, le plan européen prévoit peu de soutiens additionnels de l’Union. Selon Ursula von der Leyen, les possibilités financières offertes par les plans antérieurs REPowerEU, InvestEU et le Fonds d’innovation offrent déjà des financements conséquents. Le plan REPowerEU conçu pour permettre la substitution des hydrocarbures russes, notamment, n’a pas été utilisé en totalité et ces financements ou allègements fiscaux de 250 milliards d’euros seraient, estime la Commission, en bonne partie disponible pour le Pacte industriel Vert.
Plus largement, la proposition de la Commission s’articule autour de différents thèmes.
Un des points majeurs est de donner une plus grande latitude aux Etats pour subventionner leurs industries nationales, en s’affranchissant de certaines règles de la concurrence.
« En vue d’accélérer et de simplifier l’octroi des aides, la Commission consultera les États membres à propos de l’encadrement temporaire de crise et de transition pour les aides d’État et elle révisera le règlement général d’exemption par catégorie à la lumière du pacte vert, en augmentant les seuils de notification pour le soutien aux investissements verts ».
La Commission prévoit explicitement de « simplifier encore davantage » le processus d’approbation de PIIEC » (programmes de R&D sur des sujets comme l’hydrogène).
Ces dispositions clés font l’objet de débats au sein des 27, car les Etats-membres de taille modeste ou moyenne craignent, à leur dépens, de voir les grandes économies comme l’Allemagne, la France ou l’Italie subventionner massivement leurs industries.
L’exécutif européen proposera, par ailleurs, un règlement sur l’industrie à zéro émission nette dans le but de définir des objectifs en matière de capacité industrielle.
A cela, s’ajoute une réglementation à venir sur les matières premières critiques, « qui visera à assurer un accès suffisant aux matières telles que les terres rares, lesquelles sont essentielles au développement de technologies clés ».
La Commission entend également poursuivre la (difficile) réforme de l’organisation du marché de l’électricité.
En matière d’emploi, la Commission prône la création « d’académies » des industries à zéro émission nette, « afin de déployer des programmes de perfectionnement et de reconversion dans les industries stratégiques ».
Dernier point, l’exécutif européen espère établir une sorte de bonne conduite international en matière d’échanges mondiaux des produits industriels et technologies vertes pour veiller « au bon fonctionnement du commerce en faveur de la transition écologique, dans le respect des principes de concurrence loyale et d’ouverture des échanges, en s’appuyant sur les engagements pris avec les partenaires de l’UE ainsi que sur les travaux de l’OMC ».
A noter que dans une démarche inédite, les ministres français et allemands de l’Economie, Bruno Le Maire et Robert Habeck se sont rendus conjointement à Washington les 6 et 7 février pour rencontrer, notamment, Janet Yellen la secrétaire au Trésor et Gina Raimondo la secrétaire au Commerce et réclamer une approche « équitable » et « transparente » des deux côtés de l’Atlantique dans le soutien aux industries vertes.