Après 1976, 2003 et 2018, l’année 2022 entrera dans les livres d’histoire, au côté des années de sécheresse record. Après l’huile, le lait ou le miel, c’est au tour de la production de pommes de terre de subir de plein fouet les dégâts de cette sécheresse. Les producteurs s’attendent à une année « noire » et se préparent à essuyer de très importantes pertes financières pouvant se chiffrer, selon les premières estimations de l’UNPT ( Union nationale des producteurs de pommes de terre ) « à plus de 200 millions d’euros pour la production ».
Jamais depuis 20 ans la production de pommes de terre en France n’aura atteint des chiffres aussi bas. Une baisse située entre 20 % et 50 % est déjà chiffrée avec au total quelques 1,5 million de tonnes de pommes de terre ( l’équivalent de 40 000 ha. ) et 250 millions d’euros en moins pour le secteur.
La majeure partie des exploitations se situent dans les Hauts-de-France et la région représente 64% de la production nationale. Sur place, la situation est jugée « catastrophique » par les professionnels. « Ce qui est certain, c’est qu’il n’y aura pas suffisamment de pommes de terre pour satisfaire l’ensemble de la demande », indique le président de l’UNPT. « La majorité de la demande provient de trois secteurs principaux : l’alimentaire, l’industrie de la chips et de la frite, ainsi que la fécule pour la papeterie ou l’emballage carton. La baisse de production se fait sentir dans tous les secteurs, mais plus particulièrement pour les pommes de terre de fécule qui sont produites en sec et donc en manque d’eau considérable ».
On retiendra l’été 2022 comme une année difficile et très coûteuse, soit parce que les rendements par hectare sont faibles, mais aussi parce que le coût de l’énergie et de l’irrigation ont été beaucoup plus élevés. Dès le 2 septembre dernier, l’UNPT avait été reçue par le Ministre de l’Agriculture dans le « cadre d’une réunion de crise ». Lors de cette rencontre, l’UNPT a exprimé sa volonté de mettre en place un « plan d’urgence et de sauvegarde de la production de pommes de terre en France ». Face à ce qui s’annonce comme l’année la plus « noire » depuis 2000, le syndicat milite pour une aide de l’Etat, mais également pour une meilleure répartition. Actuellement, pour un euro de pomme de terre vendu, le producteur touche 20 centimes. « La grande distribution doit faire un effort et céder une partie de ses marges aux producteurs, bien plus menacés par la crise » affirme Geoffroy d’Evry. Le directeur de l’UNPT a déjà alerté par ailleurs le gouvernement « cet hiver, tout devrait rouler. Mais rien n’est sécurisé pour 2023. La semence de la prochaine récolte se joue maintenant, et il n’est pas certain que tous les producteurs puissent la financer ».
La pomme de terre est non seulement un incontournable de nos assiettes ( le Français en consomme 52 kilos par an en moyenne ), c’est aussi une filière qui rencontre un véritable succès international. Il s’agit du troisième féculent le plus consommé de la planète après le riz et blé, et 64 % de la population en mange chaque semaine. Pour le «leader dans la production de pommes de terre» qu’est la France, l’inquiétude se porte donc également au niveau international. En effet, le pays est la premier exportateur mondial de pommes de terre et « près d’une pomme de terre sur deux produites en France est dédiée à l’export » selon le Comité National Interprofessionnel de la Pomme de Terre (CNIPT). Les deux plus gros clients de la France en matière de pommes de terre sont la Belgique et l’Espagne, représentant à eux deux plus de la moitié des exportations françaises (56 %). Plus alarmant encore, le total en tonnes des exportations sur la période d’août 2021 à mars 2022 pèse pour 1,5 million de tonnes, soit la perte due à la sécheresse de cet été.