Se généralisant comme outil de gestion des exploitations agricoles, les drones des champs connaissent une demande croissante en Europe et sur les autres continents. Mais les réglementations internationales complexifient le commerce.
Surveiller les troupeaux ou prévenir les incendies, évaluer les récoltes, préparer le travail du sol ou la fertilisation, traiter les cultures avec précision… les applications des drones en agriculture, viticulture ou sylviculture sont quasi infinies. De ce fait, à la faveur de l’amélioration constante du rapport prix / performance et surtout de la sophistication croissante des produits et des logiciels applicatifs, ce domaine connaît un véritable boom dans le monde, selon plusieurs études de marché récentes. Ceci dans une approche de type agriculture de précision ou agriculture 4.0. Les équipements les plus récents permettent l’acquisition 3D ou des survols au ras des cultures. Couplés avec des systèmes de reconnaissance à base de l’IA, ils peuvent ainsi, par exemple, détecter très tôt des maladies sur les plantes.
Le marché mondial des drones agricoles chiffré à 1,37 milliard de dollars mi-août par le cabinet new-yorkais Reports and Data devrait, selon lui, connaître une croissance annuelle moyenne de 34,5% jusqu’en 2028. Le marché s’élèverait alors à 14,61 milliards de dollars.
Pour sa part, la société Report Ocean basée à Chicago estime ce marché à 2,21 milliards de dollars en 2021. La croissance annuelle moyenne serait, selon son rapport publié fin août, de 21,3% entre 2022 à 2030, année où le marché atteindrait 21,1 milliards de dollars.
Brandessence, société d’étude basée à Londres, est parvenue récemment à des conclusions proches. Enfin, le cabinet indien Ken Research dans une étude récente évalue, quant à lui, le seul marché européen à 425 millions de dollars en 2027 après une croissance annuelle moyenne de 20% de 2022 à 2027.
Toutes ces études s’accordent sur la prééminence des drones à voilures rotatives par opposition aux voilures fixes. Les deux plus gros marchés seraient, par ailleurs, l’Amérique du Nord et l’Asie Pacifique, deux régions comptant pour plus de deux tiers du marché, l’Europe en représentant environ un quart.
En pratique, tous les grands pays agricoles du monde : Etats-Unis, Brésil, Inde, Chine, Ukraine (où certains drones agricoles ont été reconvertis pour usage militaire), sans oublier la France, ont vu l’éclosion de l’usage et de la production de drones voués à l’agriculture. Certains fabricants sont centrés exclusivement sur ce secteur comme le texan Hylio. Celui-ci propose par exemple des drones de charges utiles de plus de 20 kg, permettant un traitement phytosanitaire ciblé sur les seules plantes malades ou d’herbicide là où une parcelle est sale. D’autres, comme le français Delair, basé à Toulouse, sont plus généralistes. Celui-ci commercialise notamment des produits pour l’agriculture centrés sur l’acquisition de données dynamiques (dans le temps). La cessation d’activité en 2019 de Airinov, filiale dédiée à l’agriculture du français Parrot a toutefois montré que ce marché, encore jeune, restait extrêmement compétitif.
Interdiction d’importation en Inde
Outre la multiplication des acteurs, ce marché représente de nombreux défis. Le premier est sa cyclicité en fonction de la conjoncture agricole. A cela, s’ajoute notamment l’absence de standards internationaux qui peut brider les échanges. Il faut compter, en effet, sur des réglementations souvent complexes, plus ou moins dérivées de celles de l’aviation civile (Europe, Etats-Unis…), et qui changent très rapidement. Les Etats-Unis, où 320 000 drones commerciaux (tous secteurs) sont enregistrés, ont revu leur réglementation sur les pilotes l’an dernier tout comme l’Australie. En Europe, l’EASA (European Union Aviation Safety Agency) conduit un important travail d’harmonisation, sous impulsion française notamment. Et a publié de nouvelle recommandation en février (ED Decision 2022/002/R)
Enfin certains pays ont pris des mesures clairement protectionnistes. C’est le cas de l’Inde qui, en début d’année, a revu sa réglementation sur les drones d’application commerciale, dont ceux du secteur agricole. Une des dispositions de ces textes est, depuis le 9 février 2022, une interdiction quasi-complète de l’importation de drones commerciaux dans le pays institué par le Directorate General of Foreign Trade (DGFT), un coup dur pour les entreprises chinoises notamment le leader mondial DJI qui misaient gros sur ce marché. Les pièces détachées ou composants peuvent encore être importés sous certaines conditions pour favoriser le « Make In India ».